Les phénomènes paranormaux au Québec : entre mystère et réalité

Comme bien d’autres endroits dans le monde, le Québec est le théâtre de nombreux récits de phénomènes paranormaux. Des histoires de maisons hantées aux observations d’OVNI en passant par les rencontres avec des entités désincarnées et des créatures légendaires, la province est imprégnée de mystères qui défient l’explication rationnelle. ET, évidemment, c’est un monde où les sceptiques sont légion. Or, peu importe les croyances, des personnes tentent de prouver l’existence de phénomènes difficilement explicables par la raison. C’est le cas de Patrick Sabourin et de son et équipe multidisciplinaire d’APPA Paranormal.

Dans cet article, SUMMUM explore quelques-uns de ces phénomènes paranormaux qui captivent l’imagination des Québécois et suscitent l’intérêt des chercheurs du paranormal. Nous parlons aussi de certains équipements nécessaires aux enquêteurs et de quelques lieux qui a marqué l’imaginaire.

Qu’est-ce qu’un phénomène paranormal? Dans la société québécoise contemporaine, il provient de perceptions extrasensorielles, comme la télépathie, la clairvoyance, la précognition, les phénomènes liés au concept de survie après la mort (communication avec les défunts, maisons hantées, etc.) et la psychokinésie. 

Depuis le début du troisième millénaire, le phénomène paranormal a pris d’assaut les médias, ce qui permet d’entretenir « un marché diversifié du croire » dans la culture populaire, indique dans une recherche la sociologue Mélissa Bissonnette. Les gens se sont toujours intéressés de près ou de loin à l’événement inexplicable, à des manifestations qui semblent défier toute logique ou encore le fait scientifique.

Le phénomène paranormal implique généralement une personne ayant vécu une expérience qui ne s’avère pas rationnelle. Par exemple, il est notamment interprété à la lumière du décès d’une personne. Il insinue une croyance de la continuité de l’âme humaine après la mort. Dans la grande majorité des études concernant le phénomène paranormal, le corps constitue un pilier de cette croyance. Plusieurs ayant vécu des phénomènes inexplicables ont souvent peur du jugement des autres et évitent de parler de leurs croyances. Cela dit, certains en discutent pour obtenir du soutien ou encore des réponses à leurs interrogations ou à leurs peurs.

La chercheuse Marie-Ève Bélanger indique dans un mémoire que « la crainte de parler d’une expérience inattendue contribue à la mécompréhension des croyances paranormales et c’est à ce stade que le médium va jouer le rôle d’intermédiaire entre le répondant et le phénomène, en authentifiant l’événement comme réel ». Ainsi, le médium participe régulièrement à l’expérience paranormale. C’est surtout le cas dans les contacts avec des personnes défuntes ou avec des esprits émanant d’anciens êtres vivants.

Pour le Québécois Patrick Sabourin, qui a fondé APPA Paranormal en 2006, le phénomène paranormal est une frayeur qui s’est transformée en fascination au fil du temps. Entre sept et neuf ans, il a vécu divers événements impliquant des phénomènes paranormaux, particulièrement dans la résidence familiale qu’il habitait avec sa mère et son beau-père : des présences inexplicables, des ombres anormales, des bruits étranges, etc. À l’âge de 10 ans, apeuré, il a fini par quitter cette maison pour vivre dans une famille d’adoption. C’était son choix de délaisser sa mère, qui ne trouvait pas d’autre solution à son désarroi quasi quotidien…

 « Je passais pour un illuminé, lance en entrevue l’homme derrière l’organisation à but non lucratif. Mais, un jour, ma mère a fini par me croire. Elle a assisté à un phénomène paranormal qui lui a fait comprendre ce que je vivais étant jeune. Elle a vu une tasse bouger de manière inexplicable, en ma présence. […] Chose certaine, ces expériences paranormales ont changé ma vie. Plusieurs années plus tard, ma blonde (Izabelle Descheneaux) et moi avons vécu certaines affaires et on a décidé de vérifier nous-mêmes sur le terrain… Pourquoi ne pas explorer ce monde qui m’a tant effrayé et obsédé? Tranquillement, on a acheté des appareils ici et là sur l’Internet. Avec le temps, on a commencé à faire des enquêtes. »

Aujourd’hui, APPA Paranormal a mené plus de 300 investigations, dont plusieurs sont répertoriées en vidéo. Parmi elles, une expérience relativement effrayante à la prison de Winter, à Sherbrooke. De juridiction fédérale, elle a été construite en 1865 et a été en fonction jusqu’en 1990. D’ailleurs, la prison n’a jamais retrouvé de vocation. En avril 2007, la Régie du bâtiment a condamné l’immeuble en raison de son délabrement. Quelques pendaisons de meurtriers y ont eu lieu à la fin du 19^e siècle et au début du 20^e siècle. Les Sherbrookois sont assez fascinés par cet endroit au passé lugubre. Il faut spécifier que cette prison avait la réputation d’offrir aux détenus des conditions de vie exécrables.  

L’un des prisonniers qui y a été pendu s’est notamment identifié devant un groupe de collaborateurs d’APPA Paranormal, aux dires de Patrick Sabourin. Dans une grande cellule, il a nommé son prénom (Wallace Blanchard) à la suite d’une question bien simple : y a-t-il quelqu’un avec nous? « On a capté cette réponse sur vidéo. Ailleurs dans la prison, on a aussi mesuré plusieurs autres signaux étranges. »

L’une des manifestations les plus courantes du paranormal est la maison hantée. Le Québec n’est pas en reste en ce qui concerne ces récits inquiétants. De nombreuses demeures ancestrales et bâtiments historiques sont réputés pour être habités par des esprits errants. Parmi les plus célèbres, on trouve le Château Frontenac à Québec, où des témoins ont rapporté des apparitions fantomatiques et des bruits étranges dans les couloirs déserts de l’hôtel. Le Manoir Montmorency, à Beaupré, est également connu pour ses histoires de phénomènes inexplicables, notamment des portes qui s’ouvrent et se ferment d’elles-mêmes ainsi que des sensations de présences invisibles.

Pour Patrick Sabourin, la maison Trestler, à Vaudreuil-Dorion, renferme aussi son lot d’histoires inexplicables. « La propriétaire nous a contactés un jour. On a eu de nombreuses discussions avec elle concernant des phénomènes paranormaux. D’autres personnes ont affirmé avoir vécu des expériences inexplicables dans certaines pièces du bâtiment. 

Monsieur Tresler, semble-t-il, cachait différentes choses dans la maison. « Derrière une brique dans un mur, celui qui a construit cette résidence cachait notamment de l’argent et des documents importants. J’enlève la pierre du mur, j’y mets un instrument appelé Ghostbox et ça me dit : ‘’Hide.’’ J’ai aussi entendu plusieurs bruits de pas dans la maison… »

La maison Tresler, classée monument historique, est une demeure rurale très vaste à fonction résidentielle et marchande. Elle a été construite en trois étapes à compter de 1798. 

Une expérience à Rivière-La Guerre a été particulièrement marquante pour Patrick Sabourin, qui y a vécu diverses expériences, même en compagnie de quelques journalistes (dont des membres du Journal de Montréal). « Une fois, on a eu peur. J’ai été contacté par plusieurs villageois pour que j’y fasse des enquêtes. C’est un village abandonné. Dans une maison qui a un historique de plusieurs décès, on a parlé avec un individu qui s’appelait Gordon durant la nuit. On a aussi entendu marcher au deuxième étage, en plus d’un bébé qui pleurait… J’ai eu des frissons. Une personne de mon équipe a même dû sortir de la résidence parce qu’elle manquait d’air. Il y avait trop d’énergie dans la place… »

Quelle est l’histoire de Rivière-La Guerre? En 1820, des colons écossais se sont installés à Godmanchester, mieux connu sous le nom de Rivière-La Guerre. Ce dernier tire ses origines de François dit La Guerre, qui vivait dans la région durant cette période. Cet ancien village de la Montérégie s’est donc développé durant une trentaine d’années. En 1830, il comptait 82 habitants répartis en 16 familles. Une école de rang fut même en service de 1829 à 1846. Plusieurs magasins avaient aussi ouvert leurs portes. Mais, tous les habitants ont subitement quitté la ville vers 1850. À la fin de la décennie, Rivière-La Guerre était pratiquement déserte. Depuis ce temps, ce village fantôme a nourri bien des histoires de peur. La défection des villageois est-elle liée à des problèmes économiques ou à des troubles beaucoup plus terrifiants? On dit que des voix sont encore entendues çà et là dans Rivière-La Guerre…

Différents appareils sont utilisés par les enquêteurs afin de pourchasser les ectoplasmes et autres fantômes. En mission dans les maisons hantées, on ne peut se passer d’une caméra numérique, d’une enregistreuse audio numérique, d’un détecteur de mouvements ou encore d’un détecteur de champs électromagnétiques. Voici quelques outils régulièrement utilisés lors des enquêtes du paranormal.

Ghostbox : Un appareil de recherche paranormale qui est en fait une radio avec un mode de balayage de fréquences destiné à détecter les phénomènes de voix électronique et à communiquer avec les esprits. La Ghostbox permet de scanner les fréquences radiophoniques. Il sera ainsi possible d’enregistrer un phénomène de voix électronique, un message de provenance inconnue et imperceptible à l’oreille humaine. Selon monsieur Sabourin, c’est un scanneur de bruits blancs : « On va chercher des fréquences inactives. Cependant, c’est possible qu’il capte aussi des ondes émises par des stations radios comme CKOI et CKMF. C’est important de contrevérifier l’information recueillie. » 

Détecteur de champs électromagnétiques : Le détecteur de champs électromagnétiques, ou capteur EMF (electromagnetic field), est fort utilisé dans la chasse aux esprits. Il aide à mesurer les champs électromagnétiques pour identifier les appareils qui produisent des émissions de haut niveau. Ainsi, il peut être utile pour la recherche de réseaux électriques, d’appareils électroniques, mais aussi pour la recherche de champs magnétiques terrestres. Pourquoi utiliser l’électromagnétisme pour trouver des esprits? La recherche de fantômes avec un détecteur EMF n’a jamais été admise scientifiquement. Cependant, l’utilisation du détecteur de champs magnétiques pour les enquêtes paranormales n’est pas hasardeuse. Dans de multiples témoignages, les témoins de phénomènes étranges liés à l’invisible évoquent des problèmes avec l’électricité dans les lieux qu’ils pensent hantés, ou des soucis avec un appareil électronique. Cet appareil permet de détecter des anomalies énergétiques dans un lieu.

Détecteur de champs électrostatiques : instrument crucial dans le domaine de la physique et de l’ingénierie. Il est utilisé pour mesurer et analyser les propriétés des champs électrostatiques. Ce dispositif exploite le principe de l’électrostatique, où les forces et les champs électriques sont générés par des charges électriques statiques. Encore une fois, ce détecteur permet de savoir si une force énergétique est créée par un phénomène scientifique… ou plutôt par une entité invisible.

Boîte à musique : outil qui permet d’attirer l’attention d’une entité. Elle se déclenche lors de la présence d’une voix électronique, par exemple. La boîte sert un peu comme un appât, affirme Patrick Sabourin.

Il n’y a pas vraiment d’école du paranormal, sinon celle du terrain. Aux dires de Patrick Sabourin, il faut avoir une certaine curiosité ou l’envie d’expliquer certains faits vécus pour se lancer dans l’enquête des phénomènes paranormaux. Le Québec compte plusieurs personnes ou groupes du paranormal qui se consacrent activement au paranormal. En voici quelques-uns.

Paranormal Investigation : Dirigée par Caroline Thibault, l’entreprise propose notamment une bonne quantité de vidéos sur YouTube.

Société Paranormal de Québec : Elle a été fondée en 2010 par Dave Beaupré avec le but d’aider ceux qui éprouvent des activités paranormales en enquêtant sur ​​ses revendications.

Hantise Québec : Fondée par Frank Natarelli Jr, l’organisation propose notamment sur YouTube quelques centaines de vidéos. Cet homme, qui aurait vu de nombreuses manifestations étranges, a enquêté sur plusieurs cas de maisons hantées. 

Christian Page : Journaliste, chroniqueur, auteur et animateur québécois très connu qui est spécialisé dans les enquêtes de phénomènes inexpliqués et autres mystères. Il a publié une tonne de chroniques à la radio (notamment pour le 98,5) et sur Internet, puis participé à des productions télé. Souvent, il remet en question des phénomènes qualifiés de paranormaux. Il a aussi été chroniqueur pour SUMMUM pendant de nombreuses années. 

Face aux phénomènes paranormaux, de nombreux chercheurs et enquêteurs se sont efforcés de trouver des explications rationnelles. Des équipes de chercheurs universitaires et d’organisations spécialisées dans l’étude du paranormal mènent des enquêtes sur le terrain, recueillant des données et analysant des témoignages pour tenter de démystifier ces mystères. Cependant, malgré les avancées scientifiques, de nombreuses questions restent sans réponse, laissant place à la spéculation et à la fascination pour l’inexpliqué.

Ainsi, les phénomènes paranormaux continuent de défier nos connaissances et de nourrir notre imagination. 

« Je ne travaille pas avec des membres qui sont trop excités par le paranormal, explique Patrick Sabourin. Certains voient du paranormal partout! J’évite ces gens. Mon épouse et moi, on travaille avec deux infirmières auxiliaires, une spécialiste en santé mentale (pour évaluer la pertinence des témoignages issus de témoins potentiels) et un programmateur informatique qui m’a aidé à fabriquer des appareils. L’informaticien est d’ailleurs pas mal septique à propos des phénomènes paranormaux, et c’est parfait. De toute manière, j’ai plus de questions que de réponses au sujet du paranormal… »