La multiplication des spinoffs
Il n’y a pas grand chose de plus vendeur que de donner au public quelque chose qu’il aime déjà. Demandez aux studios : à part Avatar, qui était à sa sortie une propriété intellectuelle inédite, le top dix du box-office cinématographique de tous les temps est entièrement composé de suites et films dérivés d’autres propriétés. Faut donc pas s’étonner si on voit des Rapides, Dangereux (et bientôt séniles), des héros de bande-dessinée et autres suites à profusions sur nos divers écrans.
Depuis plusieurs années on a aussi trouvé comment ne pas faire une suite directe mais rester dans un univers que le public connaît bien : le spin-off ou dérivé d’une œuvre populaire. Dans ce numéro nous allons examiner le phénomène du spin-off dans trois sphères distinctes : le comic book justement, la télévision et bien sûr le cinéma, trois univers qui ont amplement exploité cette façon d’offrir au public ce qu’il connaît bien, tout en faisant un peu de nouveau.
Entendons-nous sur comment départager une suite d’un spin-off : la suite est direct au film précédent, porte souvent un chiffre, comme Détestable-moi 2. Le spin-off met généralement l’accent sur des personnages secondaires, comme Les Minions. Donc Les Minions 2 serait une suite à Les Minions, qui lui est un spin-off. Capice? Poursuivons.
C’est en radio étonnamment qu’on trouve parmi les premières traces du spin-off, plus précisément en 1941 alors qu’un personnage secondaire d’une émission comique, Fibber McGee and Molly, obtient sa propre émission dérivée, The Great Gildersleeve, qui dura quand même jusqu’en 1957!
Rapidement dans la culture populaire, c’est la bande-dessinée qui utilisera de plus en plus des personnages secondaires et même des méchants parfois pour lancer des nouveaux titres. Un des exemples les plus célèbres et dans les premières tentatives de spin-offs de bande dessinée: Les Schtroumpfs, qui sont nés comme personnages périphériques d’une aventure de Johan et Pirlouit, en 1958, La Flûte à six trous, avant d’avoir leurs propres aventures quelques mois plus tard.
Quand on pense spin-offs de comic books, on pense surtout aux héros et nombreux sont les personnages qui sont devenus des grosses vedettes dans l’univers de Marvel qui ont leur origine dans d’autres comics.
Black Panther, le premier héros de race Noire, a débuté en 1966 dans le numéro 52 de la bande dessinée Fantastic Four. Notre Canadien bien aimé, Wolverine, a débuté dans les aventures de … Hulk! Plus précisément en 1974 dans le numéro 180 du gros bonhomme vert. Notre deuxième Canadien favori, un personnage devenu trrrrrrès populaire, a été deux fois un spin-off : dans une bande dessinée et dans un film. Le personnage de Deadpool a débuté en méchant dans le numéro 98 de la bande dessinée New Mutants en 1991 et fut un personnage secondaire joué déjà par Ryan Reynolds dans X-Men Origins : Wolverine en 2009.
Cette tendance de lancer des nouveaux titres à partir de personnages secondaires s’est aussi vue chez DC Comics, entre autres autour de Batman dont presque chaque acolyte ou ennemi a un jour eu sa propre bande dessinée.
La télévision a bien sûr adopté cette façon de faire, particulièrement à partir des années 70-80 et en s’accélérant dans les dernières décennies. Le très populaire sitcom Happy Days, diffusé de 1974 à 1984, a donné pas moins de six spin-offs dont deux sont devenu des succès à proprement parlé. Laverne & Shirley, lancé deux ans après les débuts de Happy Days, dura huit saisons. Moins durable mais plus marquant encore, le spin-off Mork & Mindy est largement responsable de la notoriété croissante de Robin Williams, qui y tient le rôle de l’extra-terrestre Mork.
Un des cas les plus prolifiques de spin-off à la télé est la série JAG, série dramatique se déroulant dans le secteur militaire, diffusée entre 1995 et 2005. Vers la fin de la série, on l’utilisa pour créer un genre de pilote pour une série éventuelle et ça donna… NCIS, qui elle-même a produit trois spin-offs!
D’ailleurs le genre judiciaire à la télé mène souvent à des spin-offs, le cas le plus flagrant étant Law & Order qui a donné pas moins de sept séries dérivées! Mais le genre qui a donné le plus de séries dérivées, outre la télé-réalité et ses Popstars (devenu American Idol, Canadian Idol et plus de trente autres versions) et Real Housewives (une dizaine de spin-offs), est sûrement le fantastique, incluant la science-fiction. De Battlestar Galactica à Star Wars (Mandalorian, Andor etc.) en passant par The Walking Dead et Star Trek, qui à elle seule a engendrées onze séries dérivées, le fantastique est riche de séries dérivées comme peu d’autres genres
Comme plusieurs autres, Star Trek a fait la transition vers le cinéma à la fin des années soixante-dix, un spin-off cinématographique qui dure encore de nos jours. Le cinéma a commencé cette pratique dès les années 40, via Hitchcock qui a mis en scène un duo de personnages comiques dans son film The Lady Vanishes qui se sont ensuite retrouvés dans quatre autres films. Reste que de ses débuts, Hollywood n’a pas fait usage de façon courante de spin-offs avant les années deux milles et tout particulièrement les 10 dernières années, qui en voient une véritable explosion. Avant cette période, on préférait tourner des suites directes à quelques exceptions près. Une de ses exceptions est The Pink Panther, une comédie policière de 1963 mettant en vedette David Niven dans le rôle d’un cambrioleur désirant dérober un diamant rose. Ce qui a marqué les cinéphiles de l’époque ne fut pas le personnage principal mais bien le chef inspecteur chargé de l’enquête… un certain Clouseau. Joué par Peter Sellers, l’inspecteur Clouseau obtint son propre film dans le spin-off A Shot in the dark l’année suivante. Sans compter la panthère elle-même, devenue une vedette de dessins animés.
Avance-rapide à 2002 alors qu’un lutteur désirant faire le saut vers une carrière au cinéma incarne le personnage-titre d’un film dérivé de The Mummy, de 1999. Le Roi Scorpion incarné par Dwayne Johnson connut assez de succès pour que sa carrière décolle et qu’Hollywood décide de miser de plus en plus sur les spin-offs. Là encore, Marvel occupe une grande place.
Le X-Men de Bryan Singer, lancé en 2000, a généré plusieurs des meilleurs spin-offs (voir notre liste de suggestions) ainsi que des moins bons (je parle de vous, X-men Origins : Wolverine et New Mutants). Chez Sony, qui possède de Marvel le personnage de Spider-Man et ses vilains, on a décidé d’appuyer à font ces dernières années avec les spin-offs concernant Venom, Morbius et bientôt Kraven le chasseur et Black Cat.
Le cinéma d’animation n’est pas en reste concernant les films dérivés. The Lego Movie nous a donné l’excellent Lego Batman et Lego Ninjago. Shrek nous a donné entre autres deux films de Puss-in-boots. Toy Story a donné naissance à Lightyear, Despicable me aux films Minions et j’en passe.
L’horreur est aussi un genre de plus en plus propice aux spin-offs. Il n’y a qu’à voir le phénomène The Conjuring qui a généré jusqu’à maintenant pas moins de cinq films dérivés dont les trois Annabelle et The Nun.
Un cas particulier de spin-off indirect : l’œuvre du cinéaste Français Francis Veber et son souffre-douleur favori, François Pignon. Sans être des spin-offs purs, la majorité des comédies de Veber mettent en vedette le personnage de pauvre type de Pignon, parfois appelé François Perrin, généralement joué par Pierre Richard (La Chèvre, Les Compères, Le Grand blond avec un soulier noir) ou d’autres (Le Dîner de con). Appelons ça le Multivers du François : ni exactement suite, ni exactement spin-off, mais quelque chose s’y apparentant.
Avec l’argent qu’il y a à faire, on ne verra pas la fin des spin-offs de sitôt au contraire, on note une accélération nette de leur utilisation tant à la télé qu’au cinéma.
SUGGESTIONS
Certains des meilleurs spin-offs cinéma de tous les temps
DEADPOOL
Le meilleur dérivé de l’univers X-Men
LOGAN
Le 2e meilleur dérivé de X-Men.
A SHOT IN THE DARK
De la Panthère Rose naît… l’inspecteur Clouseau !
LEGO BATMAN
Du plaisir assuré peu importe votre âge.
BORAT
Ce qui est sorti de meilleur de l’émission britannique Da Ali G Show.
THE SUICIDE SQUAD
Celui de James Gunn, là, pas celui avec Will Smith.
CREED
Un bel ajout à la légende de Rocky.
ROGUE ONE
Pour plusieurs (ok moi), le meilleur Star Wars.