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Vans

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Lorsque le rédacteur en chef m’a demandé d’écrire sur la marque Vans, j’ai figé un instant, puis j’ai tout de suite été emporté par mes souvenirs! En un clin d’œil, j’ai revu Tony Alva sortir d’une piscine vide comme s’il volait littéralement dans les airs – hors du mur –, tenir sa planche de skate et effectuer un « frontside air », qui a inspiré le slogan « Off the Wall » de la marque! Je me suis aussi revu déballer mon premier skateboard et jubiler encore plus au cadeau qui suivait : mes premiers « sneakers » Vans. Mais, pas n’importe lesquels : des Authentic 44, le même numéro que mon joueur de hockey favori Stéphane Richer!

Je dois avouer que j’ai vite décroché de ma planche après trop de genoux éraflés jusqu’au sang et des tours de reins à répétition. En revanche, je n’ai jamais arrêté d’acheter des Vans. Aujourd’hui, je réalise que je ne m’étais jamais penché sur l’histoire de cette marque mythique faisant partie de nos vies grâce à son approche collaborative exceptionnelle, qui fait qu’elle est toujours présente dans la culture populaire malgré les décennies qui s’enchaînent.

Je dis culture populaire, mais je suis certain que les frères Van Doren se révolteraient devant mes propos, car les fondateurs ont toujours prévalu des valeurs d’authenticité, de créativité, de rébellion et de contre-culture. Laissez-moi donc vous raconter comment une chaussure née au sein de la contre-culture californienne est devenue indispensable dans la culture underground de chaque génération.

Avant la Californie, Boston

Cette histoire commence avant 1966, l’année d’ouverture de la première boutique des frères Paul et James Van Doren. Pour devenir le meilleur, il faut acquérir de l’expérience et c’est justement ce que Paul Van Doren fait auprès du fabricant de chaussures prospère Randy’s Shoes, à Boston. Paul y fait ses armes durant plusieurs années, mais le marché est en changement, avec une concurrence accrue qui l’amène à partir en Californie pour sauver une filiale en faillite.

Surfin’ USA

La Californie étant alors en pleine expansion démographique et urbaine, l’émergence d’une culture jeune et dynamique offre à l’entrepreneur l’opportunité de se réinventer pour répondre aux nouveaux besoins et tendances du marché.

Paul inspire alors son frère James à se lancer dans une aventure folle et à ouvrir leur propre usine de chaussures : la Van Doren Rubber Company. Paul entrevoit la tendance émergente que la jeunesse veut des produits plus personnalisés et adaptés à son nouveau style de vie axé sur le skate et le surf.

Les frères font construire une usine de chaussures au 704, East Broadway, à Anaheim, en banlieue de Los Angeles. Puis, ils s’allient à l’investisseur Serge D’Elia et au chaussurier expérimenté Gordon Lee. Leur souhait est de concevoir des chaussures qui ne soient pas seulement fonctionnelles, mais aussi cool et originales. Cette vision permettra à Vans de devenir un symbole culturel majeur.

L’atout majeur : l’esprit de famille

Les frères Van Doren ont le désir d’être proches de leur clientèle – de leur communauté familiale, je devrais dire. Car c’est ainsi qu’ils ont perçu leur premier client, qui est entré à la boutique pour commander directement ses Vans Authentic 44 sur mesure à moins de 5 $.

La vente en direct de l’usine est une approche marketing innovante, mais Paul accorde encore plus d’importance à la bonne vieille méthode du bouche-à-oreille. La preuve : le panneau accroché dès le premier jour d’ouverture lisant : « Parlez de Vans à un ami. »

Une semelle améliorée

La conception du premier modèle est en réponse à leur souhait de proposer une chaussure robuste. Selon Steve, le fils de Paul Van Doren, son père souhaitait que ses chaussures soient aussi résistantes que les victorieux chars Sherman et que les gens en parlent autour d’eux.

Imaginez-vous que le modèle 44 est inchangé depuis 1966, à part un détail de la plus haute importance qui changera le cours de l’histoire de Vans : la semelle.

En effet, les premières plaintes ne sont pas par rapport à la toile en canevas, mais à sa semelle, qui n’est pas assez solide. Les frères doivent se pencher à nouveau sur la planche à dessin afin de trouver une solution, qui viendra sous la forme d’une semelle en gomme robuste qui rappelle la texture d’une gaufre, avec des striures pour améliorer son adhérence. Cette amélioration sera la clé pour la suite des chaussures Van Doren, qui doucement deviennent dans la bouche des clients des Van’s.

Contre-culture et communauté skate

Début des années 70, les Authentic font leur chemin dans la vie des Californiens, mais c’est auprès d’une contre-culture en pleine effervescence que le coup de cœur va se faire. En effet, la communauté skate est à la recherche d’une chaussure qui offre une adhérence parfaite, et c’est là qu’entrent en scène les légendes Tony Alva et Stacy Peralta. Avec les frères Van Doren, ces skateurs travaillent sur le design d’une nouvelle paire qui sortira en 1975 sous le nom de Era 59, une référence encore aujourd’hui, et pas seulement pour les skateurs!

Un slogan qui passera à l’histoire

Ce qui est marquant dans cette collaboration, c’est l’appropriation de la mystique signature de Vans, Off the Wall, avec la commercialisation de la chaussure Era. Cette expression est parfaitement alignée avec l’idéologie anticonformiste californienne à laquelle adhèrent les frères Van Doren.

L’expression Off the Wall trouve donc sa place dans le jargon des skateurs pour décrire les figures particulières réalisées sur les murs courbés des piscines vides comme rampes en période de sécheresse, puisque l’État interdisait de remplir ces dernières afin d’économiser l’eau. Pour Vans, ce slogan rejoint leur désir d’authenticité, d’originalité et d’esprit libre. Aujourd’hui, 50 ans plus tard, ce même slogan est toujours utilisé. 

La fameuse « sidestripe »

Vans a trouvé son public et s’entoure de skateurs professionnels qui apprécient la presque perfection de l’adhésion de ses modèles de chaussures. Autant la décennie 70 connaît un boom des sports de glisse, autant on voit de nouveaux modèles de chaussures sortir sur le marché.

Pensé par Gordon Lee, le modèle Old Skool 36 connaît une importante popularité en 1977 grâce à sa bande latérale (« sidestripe ») en forme de vague, devenue un classique de la marque. Ce sera également la première chaussure skate à être composée de cuir avec des anneaux multiples pour augmenter la durabilité du produit. Les skateurs l’adoptent, mais aussi les clients à la recherche d’originalité qui peuvent personnaliser la couleur et les motifs.

Rapidement, le modèle Old Skool devient aussi fashion auprès des amateurs de mode alternative. Il ne lui faudra que peu de temps pour devenir un des modèles les plus populaires de la compagnie. Encore de nos jours, le fameux design original de la « sidestripe » reste emblématique et reconnaissable dans le marché saturé des sneakers.

« Out », les lacets

La créativité des designers ne s’arrête pas là : Vans frappe à nouveau avec le modèle à damier, inspiré par les skateurs qui dessinaient directement sur leurs chaussures. Ce motif, éventuellement adopté par la culture populaire, deviendra un des éléments les plus emblématiques et influents de la marque. Et le modèle 48 est offert en mode « slip ons » : pas de lacets qui nuisent à l’exécution d’un « ollie »!

À l’assaut des États-Unis…

Au cours des années prospères qui suivent pour l’entreprise, la Van Doren Rubber Company, qui jouit désormais d’une notoriété, commence à ouvrir de nombreuses boutiques sur l’ensemble des États-Unis.

… et du monde

La société de chaussures connaît un succès relatif en Amérique du Nord, mais, sur la scène internationale, la marque ne réussit pas à atteindre un plus grand marché, à l’instar de Nike ou Adidas. Or, tout va changer sous peu.

En 1982, personne ne s’attend à l’électrochoc du film Fast Times at Ridgemont High (1982), mettant en scène Sean Penn, qui y joue un ado camé expert en surf. Penn est alors peu connu; il a quelques téléfilms à son actif, mais rien de majeur. Soudain, son rôle de Jeff Spicoli, qui se frappe les chaussures Vans sur le front, fait exploser sa popularité… mais surtout celle des chaussures!

Selon ce que rapporte le fondateur Paul, c’est Sean Penn lui-même qui aurait acheté la paire de chaussures à motif de damier et qui aurait voulu les porter dans le film. Puis, après avoir reçu un appel de Sony, la compagnie aurait envoyé des dizaines de chaussures à l’acteur. Vans ne pouvait espérer mieux comme stunt publicitaire!

Son chiffre d’affaires double; il passe de 20 M $ à 40 M $ après la sortie du film, qui a carrément mis la marque sur la mappemonde, selon Steve Van Doren, fils du cofondateur Paul.

La chute d’une icône

Bien que le film propulse Vans dans la culture pop et que les ventes aillent bien, la gamme élargie des modèles amène des coûts faramineux qui endettent l’entreprise. Tout pointe aussi vers leur expansion risquée, qui se révèle mal planifiée et, surtout, extrêmement coûteuse, au même moment où la concurrence dans le marché est devenue intense. Ça sent la fin pour Vans.

Or, l’histoire ne s’arrête pas là! Vous pensiez que c’était fini? Que c’était la faillite? On ferme les portes de l’usine et on passe à autre chose? C’est mal connaître les frères Van Doren.

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