Une première étape dans le combat contre le gaspillage alimentaire FOODHERO
Le gaspillage alimentaire est un fléau au Canada, tout comme bien d’autres endroits dans le monde. Çà et là, depuis déjà plusieurs années, on a constaté la gravité de la situation, tant sur le plan environnemental, éthique que financier. Lentement, il semble que les mentalités changent, tout comme les comportements. Du moins, chez certains. C’est le cas du Québécois Jonathan Defoy, qui a créé FoodHero, une application mobile qui permet d’acheter des aliments à rabais qui approchent, la majorité du temps, de leur date de péremption.
On a entendu parler de FoodHero quelque part à l’automne 2019. À l’époque, quelques médias ont abordé le sujet. Le but de cette application est simple : elle offre des rabais aux clients des épiceries de grande surface (pour l’instant) qui désirent éviter le gaspillage alimentaire. Après avoir annoncé un partenariat avec IGA, l’application a aussi fait son entrée chez Metro, un autre grand joueur de l’alimentation au Québec. En fait, les deux bannières appartiennent au géant canadien de l’alimentation Sobey’s.
Gaspillage
Plus de 41 000 kilogrammes de nourriture sont jetés chaque seconde dans le monde, selon une étude publiée par Second Harvest, en 2019. Cela représente un gaspillage alimentaire de 1,3 milliard de tonnes d’aliments par année, soit le tiers de la production globale de denrées alimentaires dédiée à la consommation. Le gaspillage alimentaire sur Terre, qui concerne les pays riches comme les pays pauvres, représenterait une valeur de 750 milliards $.
Au moins 35 millions de tonnes métriques de nourriture sont jetées ou gaspillées chaque année au Canada. Cela équivaut à près de 60 % de toute la nourriture produite au pays. Environ le tiers de ces 35 millions de tonnes métriques de nourriture gaspillées pourraient être récupérées, d’après Second Harvest. Ce serait assez pour nourrir tous les Canadiens pendant cinq mois…
La date de péremption
La date de péremption fixée par le manufacturier est l’un des gros problèmes associés au gaspillage alimentaire. Cela dit, ce n’est pas le seul. Très conservatrice, cette date est déterminée par le producteur de manière plus ou moins scientifique. La plupart des produits vendus dans les épiceries peuvent être consommés de manière sécuritaire après cette date de péremption, surtout s’ils n’ont pas été déballés ou s’ils ont été conservés à la bonne température.
Or, les aliments « périmés » sont souvent jetés par les détaillants, par crainte de poursuites ou à cause d’un tabou entourant la vente de produits ayant une date de péremption arrivée à échéance. Cette fameuse date appartient à un monde complexe dans lequel monsieur Defoy ne peut ou ne veut trop s’aventurer. On comprendra que le producteur a intérêt, financièrement, à ce qu’une date de péremption prévoie le retrait d’un produit sur les tablettes. Ainsi, il peut vendre de nouveau son produit dans des délais qui sont évalués et anticipés… Une compagnie comme FoodHero ne peut pas intervenir auprès des producteurs ou des gouvernements afin d’influer sur la date de péremption des aliments. Ce lobbying serait bien mal vu par les producteurs, notamment. En plus, il y aurait apparence de conflits d’intérêts. Il en va plutôt de la responsabilité des divers gouvernements canadiens de s’impliquer dans cet important enjeu qui est un maillon dans la grande chaine du gaspillage.
Actuellement, seules les dates de péremption de certains aliments comme le lait maternisé et les suppléments nutritifs sont règlementées par les gouvernements québécois et canadien. Les autres dates sont fixées par chaque producteur.
La promotion des aliments à rabais
Pouvant être téléchargée gratuitement sur n’importe quel type de téléphone intelligent, l’application FoodHero permet de commander en ligne des produits invendus. Créée par Jonathan Defoy, qui est aussi le président de FoodHero, l’application a été mise en service en 2019 pour quelques supermarchés montréalais de la bannière IGA. L’application est aujourd’hui utilisée par 200 des 300 supermarchés IGA au Québec et par une centaine de supermarchés Metro (sur un total de 200 en province). Chaque jour, ces magasins participants affichent à 10 h et à 15 h 30 des aliments invendus, toujours consommables, qui approchent de leur date de péremption. « Ce sont des enchères inversées. Les prix diminuent avec le temps », explique en entrevue monsieur Defoy. On aura compris : premier arrivé, premier servi.
Par ailleurs, il est très important de noter que les aliments vendus sur l’application ne dépassent jamais la date de péremption, bien qu’il soit possible de consommer des œufs, du lait ou encore du yogourt une semaine, voire quelques semaines après la date « meilleur avant ». Notons que la viande congelée, qui aurait été entreposée lorsqu’elle était fraîche, peut être vendue après la date de péremption par FoodHero : « Évidemment, la majorité des aliments ne se transforment pas en poison lorsqu’ils dépassent leur date de péremption. Mais, vendre des produits au-delà de cette date n’est pas dans notre mandat [on peut lire aussi de notre ressort]. »
Les rabais proposés sur les produits par FoodHero varient de 25 % à 60 %. Les consommateurs choisissent ensuite leurs aliments par l’entremise de l’application et passent plus tard en magasin récupérer leur commande. Bien entendu, de nouveaux clients visitent le supermarché concerné. On parle de milliers de visites supplémentaires par semaine pour le commerçant. Selon Jonathan Defoy, les utilisateurs de l’application sont nombreux à préparer leurs éventuels achats sachant qu’ils iront sous peu chercher des aliments achetés grâce à FoodHero. Ainsi, toute cette activité parallèle fait l’affaire du commerçant. Toujours selon monsieur Defoy, des milliers de transactions sont effectuées quotidiennement sur l’application.
100 000 utilisateurs
FoodHero a séduit environ 600 000 personnes au Québec au fil du temps. À l’hiver 2021, une centaine de milliers d’utilisateurs sont actifs. En moyenne, un utilisateur consulte l’application 5,5 fois par semaine. Durant cette même période, il commande des items 1,5 fois. Depuis son implantation, l’application FoodHero connaît un beau succès. Des dizaines de milliers de transactions sont effectuées chaque semaine. Celles-ci impliquent des centaines de milliers de dollars. Bien entendu, ce flux de commandes engendre du travail pour plusieurs commis dans les supermarchés. Ils sont presque exclusivement dédiés aux clients de FoodHero. Notons qu’ils sont néanmoins employés par les supermarchés.
Quant aux produits en vente, ils sont nombreux. Actuellement, FoodHero a un catalogue de 40 000 items : « Ceux-ci varient selon les supermarchés et les périodes de l’année. Depuis la naissance de l’application, notre catalogue s’est grandement diversifié. On y retrouve presque de tout. Ça dépend des inventaires de chaque supermarché », de préciser monsieur Defoy. Il souligne qu’il y a de beaux produits disponibles sur l’application : « Ce n’est pas seulement une question de date de péremption. D’autres facteurs peuvent expliquer l’offre d’un produit invendu en supermarché. J’aime utiliser cet exemple : le responsable d’une épicerie peut avoir décidé de commander beaucoup de viande à barbecue parce qu’on prévoit du beau temps au cours du week-end prochain. Finalement, parce qu’il a plu durant deux jours, le commerçant a des surplus… Ceux-ci peuvent alors se retrouver en vente sur l’application. »
Mentionnons que l’application FoodHero est gratuite, tant pour les consommateurs que pour les vendeurs qui utilisent ses services. Il suffit de posséder un téléphone intelligent. L’utilisateur peut choisir lui-même la manière dont il pourra être localisé, soit en géolocalisant son téléphone quand il utilisera l’application, soit en donnant son code postal ou soit en indiquant manuellement sa ville. Une fois localisé, l’utilisateur aura accès en temps réel à l’inventaire d’aliments disponibles à la vente dans les supermarchés les plus près de son lieu de résidence. Il pourra ensuite faire ses achats en ligne, les payer et indiquer à quel moment il passera chercher ses achats à l’épicerie. Même chose pour le vendeur : il n’a qu’à utiliser l’application pour y inscrire les items qu’il désire mettre en vente au rabais.
Grâce à cette application, 20 tonnes de nourriture sont ainsi sauvées chaque semaine au Québec. Et ce n’est qu’un début. Le président de FoodHero à plein de projets en tête, que ce soit pour le milieu des supermarchés, des restaurateurs, des manufacturiers (il a un client dans le domaine des produits laitiers) ou des producteurs maraîchers.
« FoodHero n’est pas une solution miracle, mais cette initiative s’ajoute à plusieurs autres au pays, indique Jonathan Defoy. Le gaspillage alimentaire est énorme et a un impact très important sur les changements climatiques. On limite donc la production de déchet et de CO2, en plus de faire économiser les gens à propos de leurs achats d’aliments. »