Rock made in Quebec

Pour ce numéro, on a voulu faire les choses différemment et vous parler de rock pesant, de métal ou de punk en mettant en lumière le travail de groupes plus obscurs. Les scènes musicales de Montréal et de Québec n’ont jamais été si vivantes et, pourtant, on entend toujours parler des mêmes groupes dans les médias alors plutôt que de vous parler de l’historique d’un courant musical et de son évolution dans la Belle Province comme nous le faisons souvent, voici les portraits de quelques groupes d’ici dont on entend peu parler, mais qui devraient être sur votre radar.

Formé en 2008 par Francis Berthelot (guitare), Jean-Philippe Laforge (batterie), Philippe St-Laurent (guitare et voix) et Stéphanie Vézina (basse et voix), Jet Black est l’un des groupes les plus intègres de la province. Si leur style de rock descend directement de la vague shoegaze du début des années 90 (Swervedriver, My Bloody Valentine, etc.), leur éthique de travail, elle, est fondamentalement punk et se réclame de la philosophie DIY instaurée par Ian McKaye au sein de Minor Threat ou de Fugazi. Ils s’occupent eux-mêmes de la distribution de leur musique et de leur promotion. Malgré les murs de guitares soigneusement érigés par les architectes sonores Berthelot et St-Laurent, leur musique demeure assez accrocheuse pour attirer l’oreille de n’importe quel type de mélomane. Depuis leurs débuts, ils ont sorti sans aucune aide extérieure les albums Escape Measures (2011), In Paradox (2014) et L’Ère du vide (2018). N’hésitez pas une seconde si vous avez la chance de les voir en prestation. Leurs spectacles se font plutôt rares!

Le groupe qui se nommait jusqu’à tout récemment Les Martyrs de Marde a changé de nom. Longue vie aux saints martyrs! Menée par la poésie lucide et nihiliste de Frère Foutre, la troupe est en voie de devenir le groupe lourd chouchou de la Capitale alors qu’ils accumulent les collaborations prestigieuses. Sur Mythologie de dernier recours, on retrouve les contributions de Keith Kouna, Xarah Dion, Rox Arcand (d’Enfants sauvages), de Mertin de Crabe et même de la sensation pop-rock de l’heure Lou-Adriane Cassidy! Les musiciens (soit Souffrance, Anonymous Bosch et Alpha Vil) sont très influencés par le punk et diverses déclinaisons du métal, mais le projet va bien au-delà du catalogage par style. Après tout, la réalisation de ce 2^e album a été confiée à Navet Confit, l’ultime vagabond des genres. Vous risquez de voir leur nom circuler sur plusieurs affiches dans les prochains mois et vous seriez fous de vous en passer!

Après son départ de feu Les Guenilles, François Gagnon n’a pas pris sa retraite de la musique, loin de là. Fuck Toute, c’est surtout son projet à lui, même si David et Max ont fini par prendre leur place et ajouter leurs épices au hardcore relevé du leader. Si l’album homonyme contenait une bonne dose d’humour, Coké Computer a durci le ton considérablement et son titre hommage à Radiohead est la seule franche rigolade à laquelle on a droit. Les paroles sont glauques et la musique est encore plus intense qu’auparavant. On y retrouve même des petites pointes de noise-rock à la sauce Jesus Lizard par moments. Quoi dire de plus sur nos Converge québécois? Ah oui, au moment d’écrire ces lignes, ils sont en nomination dans les catégories Album punk de l’année et Artiste de l’année au GAMIQ 2022. On espère bien qu’ils auront gagné au moment de nous relire dans l’édition imprimée!

C’est en ayant l’intensité de Jay Reatard et de The Damned en tête que les filles de NOBRO ont décidé de se réunir afin de créer le groupe de punk rock n’roll féminin le plus bruyant de la province. Mission accomplie? À l’écoute de Live Your Truth Shred Some Gnar on ne peut que crier : SANS L’OMBRE D’UN DOUTE! Chaque chanson de ce premier effort paru en février dernier est un feu roulant d’énergie! Les filles menées par la bassiste chanteuse Kathryn McCaughey jouissent d’une belle reconnaissance de leurs pairs puisqu’elles ont collaboré avec des membres de METZ et de Fast Friends, en plus de partir en tournée avec Alexisonfire et The Distillers. Notons que la batteuse Sarah Dion et la claviériste Lisandre Bourdages font partie d’un autre excellent band d’ici, Les Shirley! 

Évidemment, on pourrait continuer à écrire sur des tonnes de groupes d’ici qui manquent de visibilité mais, malheureusement, il y a d’autres sujets à traiter que la musique. En guise de consolation, voici des suggestions d’albums récents un peu plus concises. Il y en a pour tous les goûts!

La musique proposée par le duo formé de Vincent Houde et de Rodolphe Tremblay est un heureux mélange de blues et d’industriel duquel exulte une atmosphère à la fois sensuelle et menaçante. Il faut absolument entendre leur reprise de Fever, classique de Peggy Lee plus tard popularisé par Elvis et The Cramps, pour s’en convaincre. Leurs deux premiers EP, dont celui-ci, sont vendus sur une seule galette vinyle et on peut facilement trouver le lien d’achat sur leur page Bandcamp.

Sur repeat : Jaded / Bottom Feeder / Under the Rug

Le hip-hop aux accents trap proposé par Victor Tremblay-Desrosiers et Marven Jean est très contemporain et n’a rien à envier à l’offre internationale du genre. En bonus, on retrouve sur ce EP l’excellente chanson Brûler des condos, qui a fait grimper Sophie Durocher dans les rideaux. Voilà qui prouve qu’on peut arriver à attirer l’œil de Sauron sans nécessairement avoir beaucoup de visibilité. On vous recommande également d’écouter les nombreux singles que le groupe a sortis depuis le début de son existence!

Sur repeat : Top Net / Drogue chalet IV/ Brûler des condos

La plus récente offrande de Pres One met vraiment de bonne humeur. C’est plein d’humour et d’excellents beats. On y retrouve des collabos avec quelques-uns des meilleurs producteurs de Montréal (Morti Viventear et Figure8) ainsi qu’un verse hallucinant de SeinsSucrer. On y retourne sans arrêt pour savourer le flow rempli de jeux de mots du nouveau venu sur la scène rap queb ou entendre la déclaration sur les p’tits bums de la regrettée Yolande Ouellette sur un beat très chill!

Sur repeat : Love Boat / Top tier pier party / Barbancourt

Le groupe de Québec est sans conteste l’un des poids lourds du punk hardcore de la province et ce nouvel album prouve qu’ils sont là pour rester. Leur horaire de tournée hyper chargé les mènera même au Wacken Open Air 2023 en Allemagne, au mois d’août prochain. Ils sont de fiers descendants de Despised Icon et ils ont assurément la lourdeur requise pour faire partie de l’élite mondiale de la musique pesante.

Sur repeat : Seeds of Dissension / Reign in Blasphemy / Divination of Doom 

Évidemment, la bonne musique ne se trouve pas seulement dans les grands centres et Les Cornets Volants prouvent encore une fois que Chicoutimi est un terreau fertile pour le bon rock garage sauce années 60. Ce micro-album très mignon nous donne le goût d’y revenir fréquemment pour se sucrer le bec et on a bien hâte de les entendre sur un album complet!

Sur repeat : Sucre-moi les fraises / Polyvalente / Le cornet volant

C’est de Québec que débarque la formation poisseuse Sedimentum, qui nous propose un death metal old school aux forts accents doom. Ils avaient frappé fort avec leur première démo en 2019, mais le premier album est une véritable tuerie. C’est sale, violent et marécageux à souhait. On les imaginerait sans problème jouer des concerts avec Tomb Mold ou Worm. C’est en français, mais on suggère quand même de suivre les paroles en les lisant!

Sur repeat : Nécromasse / Supplice / Un grotesque panorama

Quoi qu’on puisse en dire, il est impossible de nier que la ville de Québec est le château fort du punk rock au sein de la province. L’un des portes étendards du genre les plus prometteurs est certainement Achigan. D’ailleurs, la qualité des textes dépasse de loin celle de la plupart de leurs contemporains. Des pamphlets littéraires et engagés sur fond de punk énergique. On aime ça!

Sur repeat : Au son des musiques méchantes / T’es simple / Finir en cour

À l’écoute de ce premier effort, les plus fins renards comprendront rapidement que le stoner/doom du quatuor de Terrebonne est fortement influencé par l’univers de Dune de Frank Herbert. Les paroles de Fred Couture évoquent en effet plusieurs éléments clés de la populaire série de romans de science-fiction. Ils vont même jusqu’à appeler leurs fans des « Fremen ». Il faut absolument les voir en show. C’est dans le très pesant.

Sur repeat : The Black Mirror / Omniscient Messiah / Abomination