Rira bien!
Pandémie, guerre, les gens… on a rarement autant eu besoin de rire et comme plusieurs genres cinématographiques, la comédie est aussi vieille que le cinéma lui-même. Auguste et Louis Lumière, les inventeurs du cinéma, ont d’ailleurs réalisé la première comédie de l’Histoire, L’Arroseur arrosé (disponible sur Youtube pour les curieux), en 1895.
On aurait presque le goût de dire que la comédie est le genre le plus populaire au cinéma. Bon, d’accord, les comédies ne sont pas les films qui brisent les records de box-office (la comédie « pure » ayant fait le plus d’argent en Amérique du Nord est Maman j’ai raté l’avion au 103e rang dans l’Histoire), on retrouve de l’humour dans une grande quantité de films qui sont champions du box-office, dont la plupart des films de Marvel.
Au Québec aussi d’ailleurs on adore nos comédies comme le démontre le top 10 des films québécois les plus populaires de tous les temps, majoritairement composé de comédies, Bon cop Bad cop et De père en flic en tête (il semble qu’on aime aussi les films de police quoi).
Comme tout ce qui est considéré « populaire » et « grand public », la comédie a généralement été boudée par l’Académie. Sur les quelques 90 gagnants de l’Oscar du meilleur film, on compte moins de 10 comédies et encore là, si on définit très largement le terme.
Le cinéma muet a connu ses heures de gloire principalement grâce aux comédies,
d’abord et avant tout celles mettant en vedette Fatty Arbuckle, Buster Keaton, Harold Lloyd et le grand Charlie Chaplin. La carrière de Chaplin a d’ailleurs fait le pont entre le muet et l’avènement du cinéma sonore, passant de la comédie burlesque (chutes et accidents) à la comédie à message avec Le Dictateur même s’il avait déjà amorcé ce virage avec Les Lumières de la ville et Les Temps modernes.
Pendant que la popularité de Chaplin décline, entre autres à cause de son penchant pour les très jeunes femmes, en France, où la tradition de la comédie française existe au théâtre depuis le 17e siècle, le cinéaste Jacques Tati s’attaque à la comédie pour le grand écran. Il créé, écrit, réalise et incarne le personnage de Monsieur Hulot. Le premier film mettant en vedette ce personnage muet (dans un film avec son) arrive en 1953.
À peu près au même moment, un acteur issu justement de la tradition du théâtre comique français commence à se faire voir au cinéma, un certain Louis de Funès. Dès 1957, l’hebdo France Dimanche consacre Funès « l’acteur le plus drôle en France ». Entre 1951 et 1982, il tournera 150 films dont la majorité se classent dans la comédie. Parmi ses classiques mentionnons La Grande Vadrouille, L’Aile ou la cuisse, Les Aventures de Rabbi Jacob, La Soupe au chou et la série de film Le Gendarme.
Dans les pays anglophones, on assiste à un déclin de la comédie au cinéma entre 1955 et 1965, possiblement parce que la télévision prend sa place. La comédie effectue un retour à la fin des années soixante, début soixante-dix, avec une nouvelle variante : la comédie vulgaire. Mouvement qui a débuté avec la révolution sexuelle et sociale des années 60, elle prend son essor grâce notamment aux films de John Waters, spécialiste du mauvais goût notamment avec le film Pink Flamingo et sa scatologie puis quelques années plus tard sa comédie Polyester. Lancé en « odorama », chaque billet pour le film venait avec une carte à gratter contenant 10 odeurs synchronisées au film. On y retrouvait notamment une odeur de flatulence, une odeur de moufette et autres délices nauséabonds.
La tendance se poursuit avec certaines comédies de Mel Brooks, Monty Python et la troupe National Lampoon, à commencer par leur premier classique, Animal house. S’il s’est un peu calmé dans les années quatre-vingt, le genre de la comédie vulgaire est revenu en force dans les années quatre-vingt-dix avec Ace Ventura, American Pie et les films des frères Farrelly comme There’s Something about Mary et sa séquence de « gel à cheveux ».
Entre les deux périodes, il y a les années quatre-vingt, période où les comédies ont probablement connu le plus de succès au box-office. Le tiers des dix plus grands succès des années quatre-vingt sont des comédies : Beverly Hills Cop, Ghostbusters et Back to the Future. C’est l’époque d’Eddie Murphy, de Bill Murray, de Leslie Nielsen et de Tom Hanks l’acteur comique (avant qu’il ne devienne Tom Hanks l’acteur sérieux) notamment.
Ce sont les comédies romantiques qui effectuent un retour à la fin des années 90. Si le concept remonte aussi loin que Shakespeare, les comédies romantiques ont connu une certaine popularité dans les années 30 et 40 (et au fil des autres décennies) mais son « âge d’or » commercial débute en 1989 avec When Harry met Sally de Rob Reiner avec Billy Crystal et l’ancien visage de Meg Ryan. Le film est un énorme succès et la comédie romantique devient pendant les années 90 presque un succès garanti au cinéma. La décennie se termine d’ailleurs avec un amalgame comédie romantique/comédie vulgaire avec There’s Something about Mary (1998). C’est aussi la belle période des comédies romantiques britanniques comme Four Weddings and a Funeral.
Début des années 2000, la comédie « stoner » ou de poteux, popularisée par Cheech & Chong dans les années 70, devient plus grand public encore. Ça commence avec Big Lebowsky des frères Coen en 1998 puis on a droit à Super Troopers, Harold & Kumar, Pineapple Express, les aventures de Jay & Silent Bob de Kevin Smith et bien d’autres. Le Canadien Seth Rogen représente possiblement le porte-étendard le plus connu de ce genre comique.
Le cinéma en salle est tellement dominé par les films de superhéros depuis la fin des années 2000 que ça laisse peu de place pour les autres genres et la comédie en salle a pratiquement disparu. Si on exclut Bridesmaids, paru au tout début de la décennie, il y a eu bien peu de grands succès comiques au cinéma, outre Deadpool qui est un mélange de comédie et de bande dessinée Marvel. Peut-être qu’avec la pandémie et les mauvaises nouvelles, les prochaines années ramèneront la comédie à l’avant-plan au cinéma.