Police Academy : 40 ans de rires!
À la fin des années 70 et du début des années 80, la comédie plutôt vulgaire avec nudité comprise possédait la cote. Les films Animal House, Meatballs et Caddyshack venaient de connaître d’énormes succès. Hollywood décide donc de se tourner vers ce nouveau public friand de comédies un peu crasses à l’humour, certes, facile mais qui, en ces temps plus durs après la fin de la guerre du Vietnam et d’une crise économique causée par une forte inflation, est à la recherche de légèreté et de rires. Même au Canada, nous n’échappons pas au phénomène avec Porky’s. L’avènement des clubs vidéo contribuent aussi à la popularité du genre, les clients se sentant moins complexés de consommer ces films dans l’intimité de leur foyer. On assistera à une montée fulgurante de ces comédies d’exploitation.
En ce qui concerne Police Academy, c’est le producteur Paul Maslansky qui a l’idée d’un film comique sur le monde policier. Alors qu’il est en tournage extérieur dans les rues de San Francisco, il aperçoit des cadets à l’allure visuelle peu conventionnelle d’officiers traditionnels s’occuper de la sécurité du plateau. Il constate qu’un officier semble leur donner du fil à retordre. Il interroge alors le sergent en question qui lui répond qu’ils doivent désormais accepter tous les candidats selon une nouvelle loi sur l’inclusivité. La seule façon de s’en débarrasser, c’est de les virer pendant leur entraînement. Maslansky a un déclic en se posant la réflexion suivante : « Et s’ils persistent et ils deviennent des policiers? » Sur cette seule prémisse, il réussit à sécuriser un budget auprès d’Alan Ladd Jr., président de la Warner Brothers, afin d’écrire un scénario.
L’avènement des clubs vidéo contribuent aussi à la popularité du genre, les clients se sentant moins complexés de consommer ces films dans l’intimité de leur foyer
Pour cette tâche, Maslansky embauche le duo de scénaristes Neal Israel et Pat Proft. Israel venait de collaborer avec Steve Martin pour deux spéciaux télévisés. Quant à Proft, il avait travaillé sur la série Police Squad!, une émission qui n’avait pas rencontré son public à sa diffusion, mais dont le personnage de Frank Drebin allait connaître un succès au grand écran avec la trilogie The Naked Gun quelques années plus tard. Le duo s’inspire de la structure de la comédie Blazing Saddles de 1973 de Mel Brooks. L’idée est de mettre quelques scènes avec des gags très forts qui plairont à un public ado-jeune adulte. Et, dans leur processus d’écriture, plus ils réussiront à en mettre, plus gros ils croient au succès du film. Ils doivent donc broder une histoire et des personnages aux alentours de ces gags. Satisfaits de leur scénario, ces derniers le remettent à Maslansky qui doit maintenant trouver un réalisateur.
Le producteur se tourne vers Hugh Wilson, un réalisateur vétéran du monde de la télévision. Ce choix peut a priori surprendre, mais Wilson pilotait l’une des séries populaires du moment, WKRP in Cincinnati, qui comptait plusieurs personnages aux personnalités opposées. Par contre, Wilson n’est pas super vendu sur le scénario et son humour un peu trop sordide. Il obtient le feu vert de le retravailler tout en étant obligé de garder certaines séquences, comme celle de la douche, du derrière du cheval, du party coquin et de la fellation, dont la reprise à la fin était une suggestion de Ladd. Il doit donc conjuguer son souci artistique de présenter des gags plus encrés dans la réalité et l’humour plus burlesque présent dans le scénario. Avec un budget approuvé de 4,5 millions $, une bagatelle à cette époque alors que les grosses productions se chiffrent entre 20 et 30 millions, on peut donc se lancer dans le casting de cette brochette de personnages bigarrés.
Pour le rôle principal de Mahoney, on l’offre d’abord à Michael Keaton qui se désiste. Parmi les finalistes, on y retrouve Tom Hanks, avant son succès Splash, et Judge Reinhold, révélé dans le populaire Fast Times at Ridgemont High. Finalement, c’est Steve Guttenberg, un acteur peu connu, qui hérite du rôle. Lors d’une de ses auditions, il avait porté une vieille chemise d’officier qui appartenait à son père, un vrai policier de New York. David Graf, lui, a auditionné vêtu d’un uniforme camouflage que n’aurait pas renié son personnage de Tackleberry, un passionné des armes. Marion Ramsey, qui interprète Hooks, a décidé de modeler la voix aigüe de son personnage sur celle de Michael Jackson. Elle avait auparavant rencontré le chanteur après une prestation de la comédie musicale Little Shop of Horrors dans laquelle elle jouait. Pour Larvell Jones, le bruiteur, il n’était pas originalement présent dans le scénario. Le rôle a été écrit spécifiquement pour Michael Winslow après que Paul Maslansky et Hugh Wilson l’aient découvert dans un spectacle dans lequel l’artiste faisait la première partie du jazzman Count Basie.
Pour le personnage maladroit de Fackler, un futur comédien de la série, Lance Kinsey, était parmi les finalistes avant qu’il ne soit joué par Bruce Malher. Kinsey incarnera finalement le niais Proctor dès le deuxième film, et il sera éventuellement l’adjoint du détestable lieutenant Harris à partir du quatrième volet. Pour celui qui allait mener la vie dure aux cadets, et plus particulièrement Mahoney, la production s’arrête sur G.W. Bailey, le sergent militaire Luther Rizzo de la populaire série M*A*S*H qui venait tout juste de se conclure en 1983. Le dernier acteur choisi est Bubba Smith. Hugh Wilson était un grand admirateur de cet ancien joueur de football qui avait pris sa retraite à la fin des années 70. Depuis, il enchaînait de petits rôles à la télévision et au cinéma. Smith était tout désigné pour incarner l’imposant Hightower!
le comédien originalement embauché pour être le chauffeur frustré dans la voiture accidentée était endormi sous l’effet de l’alcool dans sa loge.
D’ailleurs, le réalisateur a même partagé une scène à l’écran avec l’ex-athlète. Lorsqu’il est venu le temps de tourner la séquence nocturne dans laquelle Mahoney montre à conduire à Hightower, le comédien originalement embauché pour être le chauffeur frustré dans la voiture accidentée était endormi sous l’effet de l’alcool dans sa loge. Wilson a donc décidé de le remplacer! Un des gags récurrents de la série, celle du mégaphone, s’est réellement produit. La victime originelle est le réalisateur britannique Michael Winner. Sur un des plateaux de ses films, on lui aurait donné un mégaphone barbouillé de cire à soulier. Lorsqu’il l’avait collé à sa bouche, ses lèvres étaient entourées de cire brune. C’est un membre de l’équipe technique de Police Academy qui avait raconté le coup à Wilson qui a décidé de l’intégrer au film.
Le tournage a eu lieu au printemps 1983 dans la grande région de Toronto. Le campus de l’académie était en réalité un hôpital psychiatrique fermé depuis 1979. Aujourd’hui, on y trouve le campus universitaire pour le Humber College. Le célèbre Blue Oyster Bar a été filmé au Silver Dollar Room sur l’avenue Spadina. Enfin, la scène de l’émeute a été tournée au marché Kensington, dans le centre-ville.
Sortie en salles le 23 mars, Police Academy récolte 80 millions $ au box-office nord-américain, terminant au sixième rang des productions de 1984. En y ajoutant les sommes à l’international et les ventes VHS, le film obtient un excellent retour sur investissement. Cette énorme rentabilité pousse d’ailleurs le studio Warner Brothers à produire cinq suites consécutives annuellement. Cependant, chacune d’entre elles connaîtront moins de succès aux guichets. La série ne se remettra jamais du départ de Steve Guttenberg et de son populaire Mahoney, le véritable visage de la franchise après le quatrième film. Et un autre facteur s’explique peut-être aussi par le virage plus familiaux des films, délaissant l’humour crade de l’original, d’ailleurs le seul de la série à être coté 18 ans et plus aux États-Unis.