fbpx
Archive

Nostalgie : les alcools de notre enfance

Chroniqueur Michel Bouchard
Partager

 Avec Internet, il est aujourd’hui possible de créer des drinks de toutes sortes, avec des alcools forts, des spiritueux, des liqueurs. Les mixologues ajoutent même des trucs hors de l’ordinaire, comme des crevettes, des calmars grillés, des fèves vertes ou des brochettes de légumes dans leurs mixtures.

La mixologie est très tendance, preuve en est qu’on invite des barmans pour montrer aux gens comment faire des étranges mélanges en direct à Salut, Bonjour! en plein dimanche matin.

Des verres colorés, enduits de sucres pétillants aromatisés, avec des tranches de mangue et des herbes écrapoues dans le fond… On a démocratisé l’alcool à un niveau jamais vu auparavant.

 

Parlant d’auparavant…

Dans les années 60, 70 et 80, les gens prenaient de l’alcool fort, mais on ne retrouvait pas un grand éventail de bouteilles funky comme du Sour Puss, du Goldschlager ou du Curaçao bleu. En fait, on retrouvait 6 ou 7 bouteilles d’alcools différentes, mais toujours les 6 ou 7 mêmes… partout.

Les gens dans la trentaine et plus ont sans doute tous déjà fouillé dans le bar familial en cachette avec des amis. Goûtant aux alcools à tour de rôle pour ensuite combler le manque à gagner en eau pour que personne ne s’en rende compte… Pour finalement se faire donner un char de merde par le paternel, qui ne s’en rendait compte qu’en servant un verre à des invités, verre qui se révélait être de l’eau en fin de compte.

Quelles sont ces fameuses 6 ou 7 bouteilles communes à 99,9 % des ménages des années 70-80? Faisons le tour de la question.

Caribou

Ce vestige issu des années carnavalesques québécoises est en réalité un amalgame douteux entre le vin, le fort et le beurk. Un p’tit verre de Caribou contenait du vin et de l’alcool fort… Mais, dans les faits, il est composé de brandy, de vodka, de sherry et de porto. Tsé quand les parents disaient à leurs ados de ne pas mélanger les alcools? Le Caribou c’était précisément ça, un mélange peu sophistiqué qui finissait par tomber sur le cœur presque instantanément. On peut le servir froid ou chaud, mais si on le prend en quantité, à la fin, on finit invariablement chaud.

Goût : 2 sur 10

Effet : Lent à embarquer, mais qui fesse d’aplomb après coup

Résultat : en mottons à la sortie (par en haut)

Schnaps aux pêches

L’art de détruire un bon repas est d’utiliser cet alcool pour faire passer la tourtière du jour de l’An. Avec son goût de bonbons à la pêche avec une saveur artificielle et son alcool nauséabond beaucoup trop présent en bouche, le Schnaps était pratique pour aider un jeune à apprendre de son propre chef les méfaits de l’alcool sur le système digestif. Le Schnaps était surtout servi aux femmes dans les années 70-80, alors que monsieur se gargarisait de gin, cela permettait de se sentir moins coupable on imagine.

Goût : 0,7 sur 10

Effet : mal de cœur

Résultat : les statistiques affirment qu’après une seule brosse au Schnaps, plus personne n’arrive à en reboire

Gros gin

Présentement, on vit une époque faste en gins. C’est à la mode de boire un gin artisanal distillé au Québec, aromatisé au sapin baumier, avec un tonic tout aussi artisanal issu d’un savant mélange d’aromates du terroir. Or, à l’époque, le gin le plus populaire était le genièvre, ce qu’on appelait en d’autres mots du « gros gin ». Une « ponce » préparée savamment par un oncle au nez rouge (et aux mains longues) à temps plein suffisait à mettre paf. Parfois, on le servait avec du 7up flat, question d’ajouter l’insulte à l’injure, alors que l’oncle en question pouvait en prendre trois quarts de bouteille à même le goulot sans avoir l’air plus saoul qu’à son arrivée. Il faut admettre que cet oncle avait l’air paqueté à longueur de journée. Le gros gin venait dans une bouteille rectangulaire verte, généralement du De Kuyper. Il est tellement puissant qu’une seule goutte dans une piscine d’eau et le résultat ne goûtera que le gros gin.

Goût : 1 sur 10

Effet : face mi-crispée, mi-déçue, puis affaissée complètement

Résultat : œsophage brûlé au 3e degré

Crème de menthe verte

Ah la crème de menthe, ultime icône des après souper des années 70-80. La fameuse phrase « tu prendrais-tu une p’tite crème de menthe verte? » retentissait après chaque repas de rassemblement familial. Il serait intéressant de calculer le nombre de jeunes ayant vécu cette époque qui ont pris une première vraie brosse grâce à ce mélange savoureusement atroce composé d’alcool cheap et de pâte à dents? On pouvait finir la soirée la yeule verte, à saigner ses brakes dans la toilette du sous-sol en cachette. Le lendemain, le jeune pouvait se réveiller avec une haleine fraîche… de brosse.

Goût : 2,5 sur 10

Effet : Très lent à entrer, mais rapide à sortir

Résultat : Peu importe par quel orifice on l’évacue, la teinte reste la même dans la toilette

Baby Duck

Les Québécois sont friands de vin. Rouge ou blanc, rosé ou pétillant, on boit de plus en plus de vin de qualité appréciable partout dans la province. Or, il n’en a pas toujours été ainsi. À une époque où l’appellation commune de de la SAQ était Commission des liqueurs, on retrouvait peu de grands crus sur les tables. On prenait des vinos cheap qui sont aujourd’hui indignes des vins de dépanneurs. Parmi ces breuvages peu huppés, un liquide pétillant répondant au nom de Baby Duck se vendait à flots. Cette imitation peu réussie de vin mousseux venait dans une bouteille ambrée, question de ne pas voir les résidus de poudre dans le fond, et son bouchon en plastique blanc « poppait » à la grande satisfaction des jeunes adultes. Très sucré, trop sucré, beaucoup trop généreux en sucre, cette liqueur douce appelée vin mousseux permettait de se sentir dans le vent…

Goût : 3 sur 10

Effet : Impression de boire du vin médiocre mélangé avec de la root beer

Résultat : Pour 4,50 $, tu pensais te donner des airs de connaisseur

94 %

Le 94 % avait trois utilités : être bu par des vieux avec de l’eau chaude et du miel, décongestionner une grippe carabinée ou déboucher les tuyaux de l’évier. Quand un alcool n’est même pas digne d’avoir un nom, c’est que les penseurs de sa mise en marché avaient très peu d’espoir. Pourtant, le 94 % était assez répandu dans les chaumières. Impossible de le boire pur sans crainte de devenir aveugle, il est aujourd’hui difficile d’imaginer qu’il y avait autant de gens qui s’en procuraient.

Goût : personne ne le sait vraiment

Effet : Coma éthylique

Résultat : Mort

Partager

Recommandés pour vous

PROCHAIN ARTICLE
Archive

Le futur des années 20