fbpx
En kiosque

Le Deep state, mythe ou réalité

Chroniqueur Opinion Guillaume Ratté Côté
Partager

L’État profond, ou Deep state, fait couler beaucoup d’encre, et de salive, depuis quelques années dans les médias alternatifs, chez certains podcasters et même chez certains populistes. Tandis que, dans les médias traditionnels, c’est régulièrement pointé comme une théorie du complot. Qu’en est-il vraiment?

Premièrement, il y a effectivement les enflures verbales, surtout aux États-Unis, qui montrent le gouvernement fédéral comme une entité mal intentionnée de bout en bout, contrôlée par des pédo satanistes et des communistes ayant comme mantra de se saisir de toutes les libertés du peuple et de fomenter la troisième guerre. Évidemment, c’est fortement exagéré, faux, impossible. Il faudrait pour ça que des millions de travailleurs (le gouvernement fédéral américain emploie près de 20 millions de personnes) vivent en mode sabotage en permanence, le tout en gardant le secret.

Ensuite, derrière le voile d’apparent ridicule se cachent tout de même certaines réalités troublantes, malsaines et qui, souvent, favorisent le gouvernement et certaines organisations au détriment de la majorité.

Washington permanent

Il est plus exact de parler de Washington permanent que de « deep state »! Car, il existe bel et bien une classe de haute fonction publique, presque immuable, non élue, qui possède un pouvoir de grande envergure. Il n’y a qu’à se demander : qui accueille les élus une fois la campagne remportée? Eh bien, ce sont ce qu’il convient depuis des décennies d’appeler des mandarins de l’État. Des fonctionnaires de carrière que, depuis les années 60 environ, on convient de garder en place malgré les changements de gouvernement pour éviter de tomber dans le népotisme ou dans l’attribution de postes du gouvernement à des amis de la famille en vue de retourner des faveurs. Ç’a certainement des vertus! Mais ça cause évidemment de graves problèmes également!

Il n’y a qu’à penser à la mise en place de réformes qui feraient en sorte que ces fonctionnaires voient leurs collègues remerciés. Et qu’ils seraient à la fois en charge d’implanter. Ne serait-il pas alors tentant de mettre des bâtons dans les roues d’une telle initiative? D’au moins se traîner les pieds? Poser la question, c’est y répondre! Mais ça peut aussi être vrai pour l’implantation de politiques qui, simplement, ne sont pas populaires chez eux. Au surplus, il faut prendre en considération que ce type d’emploi vient souvent avec un comportement électoral particulier. En effet, un pourcentage écrasant de cet électorat est favorable aux Démocrates. En 2016, 92 % des électeurs de Washington DC avaient voté Clinton contre Trump et, quatre ans plus tard, c’était 93 % en faveur de Biden. Il faudrait croire que ça n’a rien à voir avec le fait que Trump ait promis des réformes, des coupures et des réorganisations dans la fonction publique alors que ses opposants s’en sont gardés? Il faudrait être bien naïf!

Complexe militaro industriel

Mais, il y a probablement pire que ce corporatisme. Il s’agit d’un corporatisme gouvernemental qui, dans ce cas, comporte une notion au potentiel bien plus vicieux : la défense. Ou, en d’autres mots, la guerre!

Les dépenses du pentagone sont astronomiques et bénéficient à bien des entreprises, dont le but n’est autre que le profit. Qui disposent de bien des moyens pour arriver à leurs fins, autrement plus pernicieuses que du simple lobbying. Comme l’embauche de responsables militaires ou d’autres services de sécurité après leur départ … et souvent à la fois, avant le retour au gouvernement! Les fameuses portes tournantes (qui sont aussi présentes en santé, dans l’énergie, l’environnement, etc.)

En défense, il y a aussi des visions répandues qui sont à la fois extrêmement dangereuses et difficiles à contre-argumenter. Comme celui-ci : si nous n’alimentons pas notre complexe militaro-industriel de façon généreuse, comment pouvons-nous espérer qu’il soit prêt à fournir adéquatement en cas de conflit de grande envergure?

C’est ce genre de problème qui, dès la fin des années 50, préoccupait les élus de haut rang soucieux de l’indépendance de l’exécutif (le président et ses ministres), comme en témoigne sans contredit le fameux discours de départ du président Dwight Eisenhower, pourtant issu de l’armée avant son saut en politique. Son successeur, John F. Kennedy, a d’ailleurs eu affaire rapidement à ce qui apparaît clairement comme un piège de ce complexe aux tendances agressives de nos jours, avec la Baie des cochons, et ensuite la crise des missiles de Cuba! Il a réussi à éviter le pire à ces deux occasions. D’ailleurs, en écoutant les conseils de son prédécesseur à ce sujet, bien que ce dernier soit du parti adverse. Et certains vont jusqu’à insinuer que cela lui a d’ailleurs été fatal. Mais, pas besoin d’aller là pour exposer le problème que représente ce pouvoir insidieux qui vient avec cette force militaire qui dépense aujourd’hui près de 1 billion $ par an (pour ce qui est connu), même s’il est très tentant de penser ensuite au Vietnam, où Kennedy refusait d’entrer et où celui qui a pris le pouvoir après son décès s’est empressé de s’engouffrer.

Il suffit de penser aux deux guerres d’Irak qui ont été déclenchées sous des prétextes pour le moins discutables et/ou auraient pu être évitées par des manœuvres diplomatiques plus sincères; mais qui ont toutefois procuré des milliards de revenus aux Raytheon, Lokheed Martin et autres Northtrop Grumman de ce monde. Et presque autant à des compagnies pétrolières qui partagent souvent les mêmes actionnaires. Avec pour résultat final un régime plus favorable à l’Iran qu’aux États-Unis, des millions de civils morts, déplacés et blessés. L’Afghanistan aussi a bien plus servi les intérêts du Pentagone et de ses fournisseurs que ces fillettes qu’on voulait supposément sauver, car après 21 ans et des centaines de millions de dollars dépensés chaque jour, les Talibans sont de retour. Pour ne pas développer un cynisme sain face à cela, il faut faire des pirouettes intellectuelles dignes d’un cirque mental!

Il est donc clair que l’appareil gouvernemental américain ait besoin d’un recadrage des forces! Ne serait-ce que d’adopter une politique interdisant aux apparatchiks du gouvernement qui donnent des contrats chez ceux qui les reçoivent serait un bon premier pas. Permettre, ensuite, un renouvellement de la haute fonction publique sur une base plus régulière serait également une excellente chose! Et cela n’est pas vrai que pour la défense, et non plus pour nos voisins du Sud!

Ici

Ici, la même question se pose, bien qu’avec des enjeux aux racines moins profondes, sur la permanence de la fonction publique. Il ne faudrait pas revenir aux années 30, 40 et 50 où on faisait des nominations à la fonction publique comme autant de cadeaux aux fidèles. Toutefois, il faudrait enfin opérer un retour du balancier, car certains non-élus semblent bénéficier d’un tirant qui soit inadéquat.

Voici un exemple qui fait réfléchir : sous le gouvernement Couillard, une nomination avait donné espoir que la potentielle corruption régnant au ministère des Transports soit enfin endiguée et, à tout le moins, enquêtée : celle de Robert Poeti, ex-policier. Or, cela s’est terminé en queue de poisson. Ce dernier s’étant plaint que la sous-ministre, une certaine Dominique Savoie, lui fasse de l’obstruction. La CAQ à l’époque en a fait ses choux gras. Robert Poeti avait perdu son portefeuille. On avait tabletté madame Savoie (chose qui d’ailleurs avait été dénoncée par la CAQ, certains au parti prônaient son congédiement). Mais, une fois la CAQ au pouvoir, cette dernière a repris du service. Jusqu’à, pendant la pandémie, être nominée à la santé, alors en mode octroi de contrat sans appel d’offres comme jamais dans l’histoire! Pire, aujourd’hui, elle dispose d’une limousine (comme les ministres), étant la seule non-élue outre le bras droit du premier ministre à jouir d’un tel privilège. Particulier, n’est-ce pas?

Il faut aussi considérer les augmentations d’effectifs, tant à Ottawa qu’à Québec, qui sont, dans les dernières années, de proportions gigantesques alors que les services sont plus difficiles que jamais à obtenir. Les organisations ont tendance à agir d’abord en vue de leurs intérêts et de leur survie. Cela ne fait pas exception sous prétexte que leur rôle est le service aux citoyens. En se le tenant pour dit, nous pourrons éviter des dérapages futurs et recadrer ceux pour lesquels nous payons actuellement le prix. Il faudra cependant voter en conséquence. Même si plus de la moitié des ménages contiennent un membre dont les revenus dépendent de l’État! Ce qui peut s’avérer difficile, il faut en convenir!

Partager

Recommandés pour vous

PROCHAIN ARTICLE
En kiosque

Mec Plus Ultra - le training