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La galaxie des univers étendus – Quand la créativité et les profits dépassent la salle de cinéma

Nicolas Lacroix
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L’univers cinématographique a connu une évolution significative au fil des décennies, passant d’œuvres indépendantes à des suites fréquentes et, maintenant, à des franchises multimilliardaires. L’une des tendances les plus marquantes de ces dernières années est l’émergence et l’expansion des univers étendus au cinéma et vers d’autres médias. Ces vastes toiles narratives transcendent les frontières d’un simple film, créant des mondes complexes et interconnectés qui captivent les spectateurs et qui peuvent être très payantes, puisque chaque œuvre subséquente bâtit sur l’œuvre précédente. 

Les univers étendus offrent aux cinéastes une liberté créative accrue pour explorer des narratifs plus complexes et interconnectés. Des intrigues transmédias, telles que les séries télévisées et les bandes dessinées, étendent l’histoire au-delà des écrans de cinéma, encourageant les spectateurs à s’engager davantage dans l’univers.

Genèse des univers étendus

L’idée d’étendre un univers cinématographique au-delà d’un seul film n’est pas nouvelle. Elle a même ses origines dans les débuts du cinéma parlant. Par exemple, Dracula, Frankenstein, le loup-garou faisaient tous partie d’un univers partagé du studio Universal dès les années 30- 40. Les années 50 voient arriver le studio japonais Toho et l’univers de Godzilla et de ses amis, et surtout de ses ennemis monstrueux, univers qui revivra d’ailleurs dans les années 2010 chez les Américains (on y reviendra). Des franchises, comme Star Wars, Star Trek et les films de James Bond ont jeté les bases en introduisant des personnages récurrents et en développant des arcs narratifs sur plusieurs films. Le réalisateur Quentin Tarantino l’a aussi intégré dans plusieurs de ses films avec des personnages récurrents ou liés entre eux. Cependant, c’est avec l’avènement du Marvel Cinematic Universe (MCU) que la notion d’univers étendu a pris une nouvelle dimension.

Le MCU qui change tout

Lancé en 2008 avec Iron Man, le MCU a révolutionné la façon dont les films sont conçus et perçus. L’interconnexion des personnages, des histoires et des événements à travers plusieurs films a créé un modèle à succès, incitant d’autres studios à emboîter le pas. Tout a commencé avec une séquence post-générique de 35 secondes, imprévue, et la participation de surprise Samuel L. Jackson et de son personnage de Nick Fury. Le scénariste Brian Michael Bendis a eu moins de 24 heures pour écrire une séquence qui allait transformer Marvel, le cinéma et, ultimement, Disney. Bendis, qui avait justement, dans la bande-dessinée en 2015, changé la race du personnage de Nick Fury en imitant Samuel L. Jackson (sans la permission de ce dernier) bouclait la boucle. Il a couché sur papier toutes les variations possibles de ce que Nick Fury pourrait dire à Tony Stark et Marvel a choisi une phrase invitant Iron Man au sein des Avengers. C’était osé, car aucun contrat n’avait été signé avec aucun acteur pour la suite, incluant Jackson.

Évolution des univers étendus

Alors que le MCU a dominé le paysage cinématographique avec des superhéros, d’autres univers étendus ont émergé, explorant des genres variés. Outre DC Comics qui a tenté tant bien que (surtout) mal d’imiter la stratégie de Marvel, des franchises, comme le Dark Universe (monstres classiques, dont La Momie et L’Homme invisible), que Universal a rapidement abandonnées vu l’échec de The Mummy avec Tom Cruise) et le Conjuring Universe (horreur) ont démontré que cette approche n’était pas limitée aux superhéros. The Lord of the Rings est un autre bel exemple avec plusieurs films et suites (The Hobbit) et, éventuellement, une série télé pour Amazon. Idem pour l’univers Harry Potter, qui s’est décliné en plusieurs séries de films et en jeux vidéo, d’ailleurs le plus vendu de 2023. 

Les défis de ce modèle

La création d’univers étendus implique des investissements massifs en temps et en argent. Des flops commerciaux, tels que le Dark Universe, ont mis en lumière les risques financiers de ces entreprises ambitieuses.

Maintenir une cohérence narrative sur plusieurs films et médias peut être un défi. Des incohérences peuvent perturber l’expérience des spectateurs et affaiblir l’impact émotionnel des histoires. On peut se demander, par exemple, pourquoi Captain Marvel, réputée l’héroïne la plus puissante du MCU, n’intervient pas dans d’autres films pour aider ses collègues. Il faut donc idéalement un créateur de vision à long terme pour planifier et exécuter tout cela, comme Marvel a eu avec Kevin Feige et comme il a trop longtemps manqué à DC, son rival (Batman, Superman et cie). On nous promet maintenant que James Gunn (Guardians of the Galaxy) aura les coudées franches pour planifier l’univers cinématographique de DC aussi soigneusement que celui de Marvel.

Il faut donc idéalement un créateur de vision à long terme pour planifier et exécuter tout cela

L’autre défi est de maintenir l’engagement des fans de ces univers. Si

les univers étendus créent des communautés de fans passionnés qui participent activement aux discussions en ligne, il peut aussi créer l’effet inverse : une fatigue de la franchise, comme on voit de nos jours avec l’engouement en chute pour les divers produits de Marvel (et dans une moindre mesure, Star Wars). Trop, comme on dit, c’est comme pas assez. Les minions dans un film qui n’est pas centré sur eux, c’est très amusant. Les minions dans un film sans Gru, c’est plutôt ennuyant. Il faut savoir doser et Hollywood a beaucoup de misère avec ça. 

Un autre danger de ce modèle est qu’il laisse peu de place au contenu original, tant au cinéma qu’à la télé, même si c’est surtout vrai pour le cinéma. Le modèle des univers étendus force une multiplication du contenu et on a rapidement l’impression qu’il n’y a que des produits de superhéros et de Star Wars sur nos divers écrans. À elle seule, Marvel a lancé entre 2008 et 2023 pas moins de 33 films et une vingtaine de séries télés! Facile de se sentir envahis.

Nouveau modèle économique

Les univers étendus ont redéfini les modèles économiques de l’industrie cinématographique. Les franchises ne se contentent plus de générer des revenus au box-office, mais étendent leur empreinte à travers des produits dérivés, des parcs à thème et des services de streaming. Encore là, Marvel remporte la palme avec des revenus (en date de 2021) de plus de 22 milliards $ US!

La tendance ne va pas nécessairement diminuer : chaque service de streaming a son contenu « étendu », comme Godzilla chez Apple TV, lié aux films américains de Kong et de Godzilla, Reacher et The Lord of the Rings chez Amazon, sans compter toutes les séries Marvel et Star Wars offertes par Disney+. Les X-Men et même les Fast and Furious ont leurs films dérivés et Star Trek est encore décliné dans plusieurs médias

Les univers étendus au cinéma représentent un changement majeur dans la manière dont les histoires sont racontées et consommées. Leur capacité à transcender les frontières du grand écran offre aux cinéastes une toile vierge pour tisser des récits riches et complexes. Cependant, les défis financiers et narratifs persistent, exigeant une gestion habile pour maintenir la qualité et la cohérence. À mesure que de nouveaux univers émergent, l’industrie cinématographique continue d’explorer les frontières de la créativité, invitant les spectateurs à s’immerger dans des mondes étendus, où chaque film est une pièce d’un puzzle plus vaste. Reste à espérer qu’on les planifiera mieux et avec une certaine réserve pour ne pas essouffler le public.

Suggestions 
Nos meilleurs films d’univers étendus 

Invisible Man (2020)

Spider-Man: No Way Home (2021)

Batman Lego Movie (2017)

Deadpool (2016)

Rogue One (2016)

Captain America: Civil War (2016)

Kong: Skull Island (2017)

Justified (série télé) (2010)
Unbreakable (2000)

Suicide Squad (2021)

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