





Forces obscures du nazisme | Les troupes de la terreur
Au cours des années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, l’extension de la terreur du nazisme a été grandement assurée par les forces policières et militaires du Troisième Reich, dirigé par le tout-puissant Adolf Hitler. Leur efficacité sanguinaire a d’ailleurs été l’un des facteurs de la grande réussite du gouvernement nazi. Maintes fois critiqués pour ses actes terrifiants, des groupes comme la SS ont fait régner la peur et l’ordre. Quels sont d’ailleurs les principaux groupes qui étaient garant de la loi nazie dans cette Allemagne du XXe siècle ? Summum propose un survol de ces forces obscures.
SS
SS est l’abréviation de Schutzstaffel, qui signifie escadron de protection, en allemand. Communément désigné par son sigle SS, ce corps de police était l’une des principales organisations du régime national-socialiste de l’Allemagne nazie.
Fondée par Adolf Hitler en avril 1925, la SS est une organisation paramilitaire qui assurait la protection personnelle d’Adolf Hitler, le chancelier du IIIe Reich. La SS a grandi rapidement avec le succès du mouvement nazi. En embrassant d’immenses pouvoirs policiers et militaires, elle est devenue pratiquement un État dans l’État. De 1929 jusqu’à sa dissolution en 1945, la SS était dirigée par Heinrich Himmler, qui a fait passer l’organisation de 300 membres à plus de 50 000 hommes au moment où les nazis sont arrivés au pouvoir en 1933. Himmler, un fanatique raciste, a sélectionné les candidats selon des critères physiques précis qui par une idéologie prédominante au sein du mouvement nazi : la prétendue perfection physique et la pureté raciale. Il a recruté des Allemands de tous les rangs de la société. Avec leurs uniformes noirs élégants et leurs insignes spéciaux (pensons à la tête de mort ou encore aux fameux S runiques ressemblant à des éclairs), les hommes de la SS se sentaient supérieurs aux soldats bagarreurs de la SA (nous décrirons plus loin cette formation militaire du parti nazi qui a assuré l’ordre dans la rue), auxquels ils étaient initialement subordonnés.

Quand Hitler, avec l’aide des SS, a purgé les SA en 1934 et les a réduits à l’impuissance politique, les membres de la SS sont devenus un groupe autonome. Entre 1934 et 1936, Himmler et son adjudant-chef, Reinhard Heydrich, consolidèrent la SS en prenant le contrôle de toutes les forces de police allemandes et en élargissant les responsabilités et les activités de cette organisation. Dans la foulée, des unités militaires spéciales SS ont été entraînées et équipées sur le modèle de l’armée régulière. En 1939, la SS, comptant désormais 250 000 hommes, était devenue une énorme bureaucratie divisée principalement en deux groupes : les Allgemeine-SS (la SS générale) et les Waffen-SS (la SS armée).
L’Allgemeine-SS, qui renfermait surtout les unités politiques et administratives de la SS, s’occupait principalement des affaires policières et « raciales ». Sa division la plus importante était le Reichssicherheitshauptamt (RSHA ; Bureau central de sécurité du Reich), qui supervisait la Sicherheitspolizei (Sipo ; police de sécurité), qui, à son tour, était divisée en Kriminalpolizei (Kripo ; police criminelle) et la redoutable Gestapo (nous en parlerons un peu plus loin), dirigée par Heinrich Müller. Le RSHA comprenait également le Sicherheitsdienst (SD ; Service de sécurité), un département de sécurité chargé du renseignement et de l’espionnage étrangers et nationaux.
Quant à la Waffen-SS, elle était composée de trois sous-groupes : les Leibstandarte, le garde du corps personnel d’Hitler, les Totenkopfverbände (formations à tête de mort), qui administraient les camps de concentration et un vaste empire de travail forcé exigé auprès des Juifs et des populations des territoires occupés, puis les Verfügungstruppen (troupes à disposition), des bataillons de combat d’élite aux côtés de l’armée régulière, qui ont acquis une réputation de guerriers fanatiques.
Les SS ont été éduqués à la haine raciale et exhortés à endurcir leur cœur à la souffrance humaine. Leur principale « vertu » était leur obéissance et leur loyauté absolues envers le Führer, qui leur a d’ailleurs donné cette devise : « Mon honneur est ma loyauté ».
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les SS ont procédé à des exécutions massives d’opposants politiques : les Roms (les Tsiganes), les Juifs, des responsables des autorités communistes, des dirigeants polonais, des résistants allemands ou encore des prisonniers de guerre russes. Après la défaite de l’Allemagne nazie contre les Alliés (dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Union soviétique), la SS a été déclarée organisation criminelle par le tribunal allié de Nuremberg, en 1946.
La Nuit des longs couteaux
À la fin du mois de mai 1934, Hitler avait été chancelier pendant 16 mois et dictateur pendant 14 mois, mais deux obstacles subsistaient à son pouvoir absolu. Le premier était son vieux camarade Ernst Röhm, chef d’état-major de la Sturmabteilung (SA ; Division d’assaut, en allemand), appelée aussi les Chemises brunes. Röhm voulait que ses troupes soient incorporées dans la nouvelle Wehrmacht qui se préparait à prendre la place de la Reichswehr (née de la Constitution de 1919, c’était une armée de métier de la République de Weimer responsable de la protection du Reich), malgré le fait que les généraux à l’esprit conservateur étaient résolument opposés à une telle contamination de l’armée par les SA. Deuxièmement, le militaire et homme d’État allemand Paul von Hindenburg, président du Reich, menaçait les plans d’Hitler s’il cédait éventuellement son pouvoir à la Reichswehr.
Hitler, sachant que la force militaire était nécessaire à sa politique étrangère, décida de sacrifier Röhm. Un obstacle de réglé ! Alléguant que Röhm préparait un putsch, Hitler a ordonné un massacre. Dans la nuit du 30 juin 1934, Röhm et de nombreux autres dirigeants de la SA ont été abattus par des membres de la SS. Ce jour fut baptisé la Nuit des longs couteaux (die Nacht der langen Messer, en allemand). Certains des autres ennemis d’Hitler ont également été assassinés cette journée-là, dont le dernier chancelier de la République de Weimar, Kurt von Schleicher, et le deuxième politicien derrière Hitler dans le parti nazi, Gregor Strasser. Les généraux furent certainement impressionnés par l’efficacité avec laquelle Röhm et sa clique SA furent éliminés…
Gestapo
La Gestapo (abréviation de Geheime Staatspolizei, qui signifie police secrète d’État, en allemand) était la police politique de l’Allemagne nazie. De manière impitoyable, la Gestapo a éliminé l’opposition aux nazis en Allemagne et dans ses territoires occupés. En partenariat avec le Sicherheitsdienst (SD ; Service de sécurité), elle a été responsable de la rafle des Juifs dans toute l’Europe. Ceux-ci ont été déportés dans divers camps d’extermination.
Lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir en 1933, Hermann Göring, alors ministre de l’Intérieur, a rempli leurs rangs de milliers de nazis de la police prussienne régulière et l’a réorganisée sous son commandement personnel en tant que Gestapo. Simultanément, Heinrich Himmler, chef de la SS, et son assistant Reinhard Heydrich, réorganisèrent de la même manière la police de Bavière et des autres États allemands. Göring nomma Himmler commandant de la Gestapo, un an plus tard. En juin 1936, Himmler, en plus de son poste de chef de la SS, prit le contrôle de toutes les forces de police allemandes, y compris l’Ordnungspolizei (Police de l’ordre). Il se nomma Reichsführer SS et chef de la police allemande. Sous la responsabilité nominale du ministère de l’Intérieur, la police allemande, y compris la police politique, les détectives et les forces de police en uniforme, étaient désormais unifiés sous Himmler.

En 1936, la Gestapo, dirigée par le subordonné de Himmler, Heinrich Müller, a été jointe à la Kriminalpolizei (Police criminelle) sous l’égide d’une nouvelle organisation, la Sicherheitspolizei (Police de sécurité). Dans le cadre d’une réorganisation SS en 1939, le Sipo a été rejoint avec le Sicherheitsdienst, un service de renseignement SS, pour former le Reichssicherheitshauptamt (Bureau central de sécurité du Reich) sous Heydrich. Dans ce labyrinthe bureaucratique, les fonctions de la Gestapo se chevauchaient souvent avec celles d’autres services de sécurité, avec lesquels la Gestapo devait à la fois coopérer… et rivaliser. En raison de sa taille relativement petite – environ 32 000 personnes à la fin de 1944 – la Gestapo s’est largement appuyée sur les dénonciations de la population allemande locale pour mener ses enquêtes. La Gestapo a également beaucoup coopéré avec l’Ordnungspolizei pour des opérations à l’intérieur de l’Allemagne et dans les territoires occupés.
La Gestapo fonctionnait sans restriction civile. Elle avait le pouvoir de mener toute « arrestation préventive » et ses actions n’étaient pas susceptibles d’appel judiciaire. Des milliers de gauchistes politiques, d’intellectuels, de juifs, de syndicalistes, de membres du clergé et d’homosexuels ont ainsi tout simplement disparu dans des camps de concentration après avoir été arrêtés par la Gestapo. La section politique pouvait ordonner l’assassinat, la torture ou la libération des prisonniers. Avec les membres de la SS, la Gestapo a géré le traitement des « races inférieures », telles que les Juifs et les Roms. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Gestapo a supprimé les activités partisanes dans les territoires occupés et a exercé des représailles contre les civils. Les membres de la Gestapo étaient inclus dans les Einsatzgruppen (groupes de déploiement), qui étaient des escadrons de la mort mobiles qui suivaient l’armée régulière allemande en Pologne et en Russie pour tuer des Juifs et d’autres « indésirables ».
La Gestapo a organisé la déportation de millions de Juifs d’autres pays occupés vers les camps d’extermination en Pologne.
SA
La SA, qui est l’abréviation de Sturmabteilung (Division d’assaut, en allemand), a été une organisation paramilitaire dont les méthodes d’intimidation violente ont joué un rôle clé dans l’ascension d’Adolf Hitler au pouvoir.
La SA a été fondée à Munich par Hitler en 1921 grâce à divers éléments voyous qui s’étaient attachés au mouvement nazi naissant.
Ses premiers membres étaient d’anciens soldats qui ont combattu les gauchistes dans les rues aux premiers jours de la République de Weimar. Vêtus d’uniformes marron à la manière des chemises noires fascistes de Benito Mussolini, les hommes de la SA ont protégé les réunions du parti, ont défilé dans des rassemblements nazis et agressé physiquement les opposants politiques.
Temporairement plongée dans le désarroi après l’échec du putsch de Munich d’Hitler en 1923, la SA a été réorganisée en 1925 et a rapidement repris ses méthodes violentes, intimidant par exemple les électeurs lors des élections nationales et locales. À partir de janvier 1931, il était dirigé par Ernst Röhm (celui qui a été assassiné sous les ordres de Hitler), qui nourrissait des notions anticapitalistes radicales et rêvait de faire de la SA la principale force militaire allemande. Sous Röhm, l’adhésion à la SA, gonflée par les rangs des chômeurs de la Grande Dépression des années 1930, est passée de 400 000 en 1932 à environ deux millions (soit 20 fois la taille de l’armée régulière) au moment où Hitler est arrivé au pouvoir l’année suivante.

Au début du régime nazi, les SA ont donc mené toutes sortes d’actes violents contre les Juifs et les opposants nazis. Mais, il était regardé avec méfiance par l’armée régulière et par les riches industriels, deux groupes dont Hitler tentait de s’assurer le soutien. Malgré le désaccord exprimé par Hitler, Röhm a continué à faire pression pour une « deuxième révolution nazie » à caractère socialiste. Il aussi espérait fusionner l’armée régulière avec la SA sous sa propre direction. Or, nous avons mentionné plus haut que Röhm et des dizaines de dirigeants SA ont été sommairement exécutés. Par la suite, la SA, réduite en effectifs, a continué d’exister, mais elle cessa de jouer un rôle politique majeur dans les affaires nazies. À partir de 1939, il était notamment chargé de former tous les hommes valides pour les unités de la garde nationale.
Wehrmacht
La Wehrmacht (qui signifie pouvoir de défense, en allemand) constituait les forces armées du Troisième Reich. Les branches principales de la Wehrmacht étaient la Heer (armée), la Luftwaffe (force aérienne) et la Kriegsmarine (marine).
Après la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles a aboli la conscription en Allemagne, réduit la taille de l’armée allemande à 100 000 soldats volontaires, fortement limité la flotte de surface de l’Allemagne, interdit sa flotte de sous-marins et interdit la création d’une armée de l’air.
Quand Adolf Hitler accéda au pouvoir en tant que chancelier d’Allemagne en 1933, il s’empressa de lever ces restrictions. Il commença à développer l’aviation militaire allemande sous le couvert de la production civile, et il travailla avec des fabricants pour étendre la capacité militaire allemande. L’entreprise Krupp, par exemple, masquait son programme de chars sous le couvert de la construction de tracteurs.

En mars 1935, Hitler réintroduit la conscription, rendant ainsi public son programme de réarmement, qui était auparavant clandestin. On voulait 550 000 hommes pour l’armée allemande et la Reichswehr de la République de Weimar serait rebaptisée Wehrmacht. Alors que le terme Wehrmacht était le plus souvent utilisé pour décrire les forces terrestres allemandes, il s’appliquait dorénavant à l’ensemble de l’armée allemande régulière. L’Oberkommando der Wehrmacht (OKW ; Haut commandement de la Wehrmacht) a été conçu pour exercer le commandement et le contrôle des trois branches de la Wehrmacht, dont chacune avait son propre haut commandement.
La Heer était de loin la plus grande branche de la Wehrmacht. Au début de la guerre, les unités de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine étaient aussi, en théorie, subordonnées au commandement de l’armée à un niveau tactique. Cependant, cela n’a pas abouti à une approche homogène, car l’OKW n’a jamais fonctionné comme un véritable état-major interarmées.
À noter que la Waffen-SS, mentionnée précédemment dans le texte, était également subordonnée à l’OKW. Du moins, techniquement. En plus de servir de garde du corps personnel d’Hitler, d’administrer des camps de concentration et de commettre certaines des atrocités les plus horribles de l’Holocauste, les hommes de la Waffen-SS ont combattu comme troupes de combat aux côtés de l’armée régulière. Ses rangs sont passés de plusieurs centaines d’hommes en 1933 à 39 divisions à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les troupes de la Waffen-SS étaient superbement équipées et avaient tendance à avoir un bon moral. Au début de 1944, la Waffen-SS représentait environ 5 % de la Wehrmacht.