fbpx
Archive

ESPRIT… ES-TU LÀ?

Chroniqueur Christian Page
Partager

Peut-on réellement communiquer avec l’âme des défunts? Les communications spirites sont-elles uniquement des fantasmes ou d’authentiques contacts avec l’au-delà ? Entre mythe et réalité, la foi et la science n’ont pas dit leur dernier mot…

Le spiritisme d’hier…

Nous sommes en mars 1848, à Hydesville, un petit village au sud de Rochester (État de New York). Nuit après nuit, des bruits étranges tiennent la famille Fox éveillée, comme si quelqu’un frappait dans les murs de la maison. Loin d’être effrayées, les deux adolescentes de la maisonnée, Margaret (13 ans) et Kate (11 ans), s’amusent de la situation. « Fais comme moi », lance Margaret en frappant quatre coups dans ses mains. Aussitôt, un même nombre de coups résonnent dans un mur. Ce qui n’était qu’un jeu anodin prend soudain une allure inquiétante. Pour la première fois, quelqu’un vient d’établir un contact avec l’invisible. L’affaire s’ébruite et, bientôt, la maison de la famille Fox devient l’objet de la curiosité de tout le comté. Le spiritisme est né…

Du jour au lendemain, des gens se déclarent en contact avec les morts. Cet engouement pour les communications d’outre-tombe gagne l’Europe où il se hisse au rang d’activité bourgeoise. En présence de médiums – des intermédiaires entre le monde des vivants et des défunts –, des objets virevoltent au-dessus des spectateurs médusés, des coups étouffés font vibrer les tables et, exceptionnellement, des spectres apparaissent.

… à aujourd’hui

Cent soixante-dix ans après l’épisode des sœurs Fox, quel est le bilan de ces contacts avec l’au-delà?

Si l’usage des guéridons « parlants » est tombé en désuétude, le spiritisme n’en reste pas moins très populaire aujourd’hui. Les médiums proposent à présent leurs services dans les petites annonces et vous offrent, pour quelques dollars (évidemment), de vous mettre en contact avec un proche disparu. Si plusieurs ont recours à des planchettes parlantes – de type Ouija –, d’autres contactent les défunts sans intermédiaire. Certains sont même devenus des vedettes de la télévision, tant en Amérique qu’à l’étranger. Personnellement, c’est le côté « superficiel » de ces échanges qui me trouble. On a l’impression que les défunts cherchent davantage à rassurer les vivants qu’à nous renseigner sur cet au-delà pourtant si mystérieux. Les discours sont racoleurs et insipides. Dans la majorité des cas, les propos sont tellement vagues qu’ils pourraient s’adresser à n’importe qui. Si on devait retenir que les communications enregistrées dans des conditions rigoureuses et révélant des informations qualitatives et vérifiables (informations qui étaient inconnues des participants lors de la « séance »), ces communications tiendraient dans un feuillet paroissial. Bien sûr, il y a de rares exceptions, mais ces exceptions sont trop anecdotiques pour être de quelque valeur que ce soit.

La transcommunication instrumentale

Dans cette ruée vers l’âme, plusieurs amateurs se sont tournés vers la technologie. Ce « spiritisme électronique » s’appelle la transcommunication instrumentale (TCI) et fait appel à deux modes d’expression : le son et l’image. Dans le cas du son, on parle de voix « fantomatiques » qui apparaîtraient sur certains enregistrements audios. Ce phénomène, baptisé phénomène des voix électriques ou électroniques (PVE), continue d’être expérimenté et étudié par des groupes d’amateurs à travers le monde. De fait, cette technique est à la portée de tous. Il suffit de placer dans une pièce silencieuse un système d’enregistrement en marche et de poser, à voix haute, quelques questions pertinentes. L’expérimentateur n’a ensuite qu’à réécouter la bande en portant une attention particulière aux bruits de fond parasitaires.

À l’occasion, on a l’impression d’y entendre des chuchotements. Il est toutefois important de préciser que les systèmes utilisés par les amateurs sont parfois couplés à des scanneurs – appelés pompeusement ghost box – qui balaient judicieusement dans les mêmes longueurs d’onde qu’utilisent les radios commerciales et domestiques (walkie-talkie, moniteurs pour bébé, CB, etc.). Ces enregistrements, souvent de mauvaise qualité, ressemblent davantage à des extraits de phrases : « … Ils sont là… », « C’est ici… » ou « Je dois regarder… » Et leur interprétation est à l’image des attentes de l’expérimentateur.

Cet exercice rappelle les années 70 où les amateurs de musique rock faisaient tourner leurs microsillons à l’envers en espérant y découvrir des messages cachés. Ce qui n’était qu’un charabia incompréhensible devenait pour ces férus d’occultisme des phrases à caractère ésotérique, voire satanique. À l’instar des phrases subliminales des vieux vinyles, les soi-disant messages obtenus par la technique des PVE sont souvent le reflet des attentes de l’expérimentateur : des hallucinations auditives liées au bruit de fond – qu’on appelle « bruit blanc » – ou encore à des transmissions parasitaires provenant de sources terrestres. Aucun de ces enregistrements n’a jamais été obtenu à l’intérieur d’une cage de Faraday, ces « isoloirs » qui placent l’expérimentateur à l’abri de toutes nuisances électromagnétiques. Impossible, donc, d’avoir la certitude qu’il ne s’agit pas d’interférences provenant d’une source autre que l’au-delà.

Pour ce qui a trait aux images vidéo, la controverse est encore plus grande.

Au début des années 70, des expérimentateurs de PVE ont tenté d’obtenir des vidéos de l’au-delà en enregistrant l’écran d’un téléviseur laissé en marche sur une chaîne ne recevant rien. Et c’a fonctionné! En visionnant la bande, ils ont été étonnés d’y découvrir – comme des flashs – des images qui n’auraient pas dû être là.

À l’instar des PVE, ces enregistrements sont souvent obtenus dans des conditions nébuleuses et les images généralement trop floues pour être identifiées avec certitude. Une silhouette imprécise pourrait tout aussi bien être ma défunte grand-mère qu’Elvis Presley. Qui plus est, ces « recherches » sont particulièrement fertiles en fraudes et en arnaques de tout acabit. Après enquête, plusieurs images de TCI se sont révélées n’être que des photos ou des films d’archive rendus flous à souhait pour mieux duper les crédules.

Peut-on réellement communiquer avec les défunts?

Dans le cas des médiums, je pense qu’il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus (en supposant qu’il y ait des élus, bien sûr, et des âmes errantes). À ce jour, toutes les tentatives d’établir une communication spirite dans des conditions rigoureuses – avec des mesures de contrôle éprouvées – ont échoué lamentablement.

En revanche, les enregistrements TCI me paraissent plus intéressants. Primo, parce qu’ils ne font pas appel à des intermédiaires, comme dans le cas des médiums et, secundo, parce qu’il subsiste une preuve matérielle de ce prétendu contact, qu’il s’agisse d’un enregistrement audio ou vidéo. Le défi est de pouvoir évaluer adéquatement la valeur de cette « preuve matérielle ».

Si ces murmures existent bel et bien – et ce n’est pas toujours évident – d’où viennent-ils? S’agit-il réellement de défunts souhaitant communiquer avec nous ou d’une mauvaise utilisation des équipements d’enregistrement? Je l’ignore. Pour trancher, il faudrait que des chercheurs sérieux se penchent sur cette énigme sans a priori et avec des ressources suffisantes pour dissiper toute ambiguïté. Mais cela risque de ne demeurer qu’un vœu pieux.

Cent soixante-dix ans après l’aventure des sœurs Fox, la ligne téléphonique vers l’au-delà – si ligne téléphonique il y a – demeure encore noyée dans les parasites. Il y a apparemment du « grichage » sur la ligne… Beaucoup de « grichage ».

(Article publié dans l’édition #154 mars/avril 2018 – www.boutiquesummum.com)

Partager

Recommandés pour vous

PROCHAIN ARTICLE
Archive

CERN : Le portail