FAKE NEWS: UNE GUERRE OUVERTE ENTRE LE VRAI ET LE FAUX
Fake news ou fausses nouvelles. Un « buzzword » utilisé à toutes les sauces depuis quelques années. Pourtant, les contenus mensongers existent pourtant depuis la nuit des temps. Or, on a l’impression que la fausse nouvelle a pris une ampleur inégalée dans l’histoire humaine en raison des réseaux sociaux et de la diffusion virtuelle de l’information. Tous les jours, les gens sont confrontés à une myriade de données, de messages ou de discours sur Internet. Certes, de nombreuses fausses nouvelles ont un impact minime sur le sort des citoyens. Cela dit, certaines fake news contribuent à manipuler l’opinion des électeurs ou encore des consommateurs. Comment s’y retrouver? Quoi faire? Qui croire?
En amont d’une fausse nouvelle, il existe une intention. Voilà un bon point départ afin de saisir ce qu’est une fake news et comment peut-on la dénicher. Ensuite, certaines stratégies et différents réflexes permettent de détecter les fausses nouvelles. Évidemment, rien n’est garanti. Dans ce monde d’incertitudes, l’individu apprend au fil de ses expériences. Pour le meilleur et pour le pire.
Qu’est-ce qu’une fausse nouvelle?
Une fausse nouvelle est un contenu carrément faux, teinté, détourné, dénaturé ou exagéré dans la mesure où elle s’éloigne en partie ou totalement d’un fait scientifique, d’une vérité. Il est important de spécifier que ce contenu est d’une manière ou d’une autre manipulé afin de tromper les gens. L’intention de l’auteur est donc capitale dans la création d’une fausse nouvelle. Elle aura pour objectif d’attirer l’attention, de provoquer un engouement passager ou encore de servir des aspirations idéologiques, politiques, économiques. La fausse nouvelle est également très présente dans la production de contenus satiriques, afin de ridiculiser un enjeu ou encore le consommateur d’information. Notons qu’une erreur non intentionnelle commise par un journaliste ou un autre type d’auteur n’est pas une fausse nouvelle.
Le monde selon Trump
Selon Francis Nadeau, président et cofondateur de l’entreprise HydraLab, l’expression fausse nouvelle a pris une dimension insoupçonnée en 2016, année qui correspond à l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Dès lors, les fake news sont sur toutes les lèvres, que l’expression soit utilisée ou non à bon escient.
Au cours de sa première conférence de presse en tant que président, Trump a refusé de répondre aux questions des représentants du réseau CNN, stipulant que cette chaîne d’informations en continu faisait de la « fausse nouvelle ». Il réagissait à un reportage de CNN sur un prétendu document qui compromettait son poste : les services de renseignements russes disposaient de cette fameuse preuve…
En quatre ans, l’expression fake news a fait le tour du monde, en bonne partie grâce à Donald Trump. Le président et homme d’affaires a employé celle-ci abondamment et pour diverses raisons.
D’un côté, il a utilisé le sujet des fausses nouvelles afin de discréditer les médias traditionnels, surtout ceux qui ont été critiques à son endroit, à commencer par CNN.
De l’autre, Trump n’est pas en reste à propos de la création et de l’utilisation des fausses nouvelles. Depuis son élection, des médias d’un peu partout dans le monde ont affirmé que le président américain aimait bien déformer les faits pour servir ses intérêts. En avril 2019, une équipe spécialisée du Washington Post a indiqué qu’elle avait repéré environ 10 000 déclarations fausses ou trompeuses de la part de Donald Trump. Après 800 jours à la présidence, il avait donc dit ou écrit une douzaine de fausses nouvelles par jour.
Discréditer ou séduire
En politique, l’emploi d’une fausse nouvelle peut discréditer son adversaire ou encore celle d’un journaliste qui tente de bien faire son travail.
Monsieur Nadeau spécifie que l’utilisation des fausses nouvelles n’est pas limitée aux politiciens et aux médias. Les réseaux sociaux, qui véhiculent une énorme quantité de données, favorisent la circulation de toutes sortes d’informations, y compris celles qui sont manipulées.
« En fait, les fausses nouvelles sont de faux contenus détournés de leur sens afin d’atteindre des objectifs différents. Les auteurs peuvent être de toutes les couches de la société. Pour un média, une fausse nouvelle peut être diffusée afin de créer un contenu viral, qui attirera par la suite des gens vers son site internet. Pour d’autres, comme Amazon, les faux contenus se retrouvent dans certains commentaires (créés notamment par l’entremise de faux comptes) publiés au bas d’une page pour inciter les consommateurs à acheter un produit. »
Dans le cas de Facebook, le plus gros réseau social au monde avec 2,2 milliards d’abonnés, la fausse nouvelle est devenue un enjeu majeur de ses dirigeants en raison de sa puissante diffusion de contenu partout dans le monde.
Selon une enquête publiée par le journal Nature: Human Behavior, et reprise par Forbes, Facebook serait de loin l’entreprise médiatique qui répand la fausse nouvelle de manière la plus rapide. Facebook serait pire que Google, Twitter, AOL ou encore Yahoo! Déjà en 2016, le fondateur et grand patron de Facebook, Mark Zuckerberg, avait annoncé vouloir combattre les fake news. Il avait spécifié que le problème était toutefois complexe, au plan philosophique et au plan technique. Il avait ajouté qu’il n’était pas de la responsabilité de Facebook de censurer les opinions ou de se faire l’arbitre de la « vérité ».
En 2018, l’affaire Facebook a pris des proportions énormes lorsque l’entreprise a été accusée d’avoir partagé de façon illégitime les données de plus de 87 millions d’abonnés, dont plus de 620 000 Canadiens, à la firme britannique Cambridge Analytica par le biais d’un questionnaire sur Facebook. Mark Zuckerberg a même témoigné devant le Congrès américain dans la foulée de ce scandale. Ceci n’est probablement que la pointe de l’iceberg, selon de nombreux observateurs.
Certes, il est davantage question ici de l’utilisation de données personnelles que de fake news, mais il semble que Facebook nage dans un univers opaque qui mélange à la fois la désinformation et l’utilisation des données.
Monsieur Nadeau est du même avis. Les fake news ne seraient pas nécessairement véhiculées sur Facebook pour manipuler l’opinion politique des gens, mais surtout pour obtenir des informations à leur endroit, dans un but lucratif. Évidemment, les informations qui y circulent peuvent aussi façonner leurs comportements à titre de consommateurs. Il est à noter que les revenus publicitaires engendrés grâces aux habitudes de vie des utilisateurs d’Internet sont gigantesques, soit plus de 20 milliards $ au premier trimestre 2020. Les fake news, qui sont souvent sensationnalistes et chargées d’émotions, parviennent à gagner en visibilité et, ainsi, à influencer les choix de consommation des utilisateurs de Facebook… Ces choix seront éventuellement monétisés, en bonne partie du moins.
Voici ce qu’on peut lire dans une rubrique de la Bibliothèque et archives nationales du Québec à propos des fake news et des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter permettent en effet à leurs utilisateurs de partager de l’information. Plusieurs plateformes présentent les « nouvelles », les publicités et les publications commanditées (« sponsorisées ») de telle sorte qu’il est ardu de les distinguer. La majeure partie des espaces publicitaires des médias sociaux est vendue par l’entremise de courtiers, ce qui fait que la plateforme n’a souvent aucune idée de ce qui est publicisé sur son site. Les réseaux sociaux deviennent donc un terreau fertile pour les fausses nouvelles.
Malgré sa volonté affichée de lutter contre les fake news depuis les scandales associés aux présidentielles de 2016, Zuckerberg cacherait son véritable plan. En mars 2019, le magazine américain Mother Jones, respecté pour son traitement journalistique et ses enquêtes, indiquait que la désinformation et la manipulation ne sont pas un problème pour Facebook, mais plutôt l’idée maîtresse du modèle d’affaires de ce réseau social.
Nos gouvernements
Ces jours-ci, les fausses nouvelles ont une importance telle que les gouvernements occidentaux s’en préoccupent de plus en plus.
En 2018, par exemple, le gouvernement canadien affirmait qu’il voulait redonner du lustre aux institutions démocratiques, malmenées par une méfiance grandissante des citoyens envers celles-ci. Confrontées à des campagnes de désinformation et autres fake news, elles auraient besoin d’aide afin de retrouver leur crédibilité auprès des Canadiens, selon Ottawa. À l’époque, le gouvernement Trudeau avait indiqué qu’il voulait lutter contre les fake news, par l’entremise de son Plan d’action fédéral de 2018-2020 pour un gouvernement ouvert. En conférence de presse, des représentants du gouvernement avaient expliqué que ce plan visait à promouvoir un gouvernement transparent et une démocratie saine. On avait précisé que le gouvernement s’engageait à divers niveaux : l’accès à l’information, le gouvernement numérique, la transparence des entreprises et les données scientifiques.
En avril 2020, le gouvernement français avait quant à lui lancé une nouvelle rubrique sur son site internet pour lutter contre les fausses informations. Cette page web a provoqué la controverse. Elle a notamment été critiquée par les journalistes.
En lançant Désinfox coronavirus, le gouvernement Macron cherchait à recenser des articles traitant de la COVID-19 publiés par des médias français « crédibles », à savoir Franceinfo, Libération, 20 Minutes, Le Monde et l’Agence France-Presse.
Pas étonnant, le gouvernement s’est mis à dos de nombreux journalistes, qui lui a reproché de s’autoproclamer grand arbitre de l’information. Face aux critiques, le gouvernement a finalement décidé de le supprimer de son site web, le mois suivant. Pourtant, cette page devait être supprimée une fois la crise sanitaire terminée au pays. L’objectif ultime du gouvernement français était visiblement de garantir aux citoyens un accès à des informations les plus fiables possibles, en temps réel. En gros, Paris voulait lutter contre la désinformation…
Comment repérer les fausses nouvelles ?
Selon Monsieur Nadeau, il faut toujours douter d’une nouvelle. C’est-à-dire que des réflexes et des stratégies développés au fil du temps peuvent permettre de déceler plus facilement les informations mensongères : « Il est recommandé de vérifier auprès des autres sources si cette information est traitée. Si personne d’autre n’en parle, c’est déjà une indication… que c’est probablement une fausse nouvelle. »
Malheureusement, peu d’outils précis existent afin d’aider les gens à détecter les fausses nouvelles. Certes, des chercheurs de l’Université de Waterloo, en Ontario, travaillent sur un outil permettant d’analyser des publications et des informations fabriquées dans le contexte d’une diffusion web, qui vise à tromper les gens à des fins politiques ou économiques.
« Cet outil, qui utiliserait les algorithmes et l’intelligence artificielle, permettrait de qualifier la crédibilité du contenu et de sa source en cumulant des informations similaires publiées par d’autres organisations ou individus. Le danger, c’est d’accorder trop de pouvoir à un tel outil... »
Ce système, qui serait complètement autonome, n’a pas été conçu pour remplacer le discernement humain, mais plutôt pour faciliter la vérification des faits et augmenter la crédibilité d’une information. C’est ce qu’a affirmé le responsable de l’équipe de chercheurs.
Outre l’intelligence artificielle, il existe quelques outils comme le Décodex, qui a été créé par le quotidien français d’information. Celui-ci aide l’utilisateur à vérifier les informations qui circulent sur Internet. Il permet aussi de dénicher les contenus dénaturés. La procédure est simple : il faut entrer l’adresse (URL) d’une page web ou le nom d’un site internet dans une case pour savoir si la source est fiable ou non.
« Il faut demeurer critique »
Cela dit, il est fort à parier qu’aucun outil ne remplacera de sitôt le cerveau humain en ce qui concerne l’évaluation des contenus diffusés sur Internet, voire sur toutes formes de plateformes. Selon monsieur Nadeau, l’esprit critique est l’outil le plus fiable dans cette quête des « vraies » infos. L’esprit critique est forgé par nos parents, nos amis, nos institutions, notre système d’éducation, notre environnement professionnel, notre curiosité scientifique, etc.
« Quand j’étais encore à l’école, un professeur de philosophie m’a encouragé à toujours vérifier la source d’une information : qui, quoi, quand, où et pourquoi ? Concrètement, ça veut dire qu’il faut évaluer la pertinence de la source de diffusion; vérifier la crédibilité d’une adresse URL, comparer le contenu auprès d’autres médias…»