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Alien : 45 ans de frissons dans l’espace

Chroniqueur Alexandre Goulet
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« Jaws dans l’espace! ». Voilà comment les scénaristes Dan O’Bannon et Ronald Shusett ont vendu le concept de leur scénario aux producteurs Gordon Carroll, David Giler et Walter Hill. Toutefois, un obstacle majeur demeurait à Hollywood au milieu des années 70 : tous les studios étaient frileux de financer des films de science-fiction. Les films de la franchise Planet of the Apes étaient sur le déclin. Et les films de science-fiction de l’époque, comme Soylent Green et Logan’s Run, offraient une vision plutôt pessimiste de l’avenir. O’Bannon cherchait plutôt à raconter une histoire à faire peur avec un monstre dans un vaisseau spatial. Et, la genèse de cette idée, il la devait à un film auquel il avait collaboré alors qu’il était étudiant à l’University of Southern California.

En 1970, Dan O’Bannon tourne, avec un ami et collègue d’école, un certain John Carpenter (Halloween, Christine), un moyen métrage : une comédie de science-fiction intitulée Dark Star. Leur projet évolue en long métrage qui sort finalement en salles en 1974. Dans le film, on y retrouve une petite créature extraterrestre ronde qui était en fait un ballon de plage peinturé. O’Bannon se met donc à fantasmer de pouvoir raconter une histoire avec un « vrai » monstre qui serait terrifiant. Pour l’aider à concrétiser sa vision, le scénariste en vient à collaborer avec un autre auteur : Ronald Shusett. 

Alors que le scénario est en cours d’écriture, Dan O’Bannon se fait un offrir un contrat qu’il ne peut refuser : participer à l’adaptation de Dune par le cinéaste chilien et auteur de bandes dessinées (L’Incal) Alejandro Jodorowsky. Si le projet est finalement abandonné, le séjour de quelques mois d’Obannon à Paris provoque une rencontre déterminante qui marquera profondément la trajectoire d’Alien : celle de l’artiste H.R. Giger. Le Suisse est l’un des artistes conceptuels pour Dune et O’Bannon est troublé par l’imaginaire de l’artiste qu’il retrouvera éventuellement. 

À son retour aux États-Unis, O’Bannon et Schusett terminent enfin leur scénario de Star Beast qui change finalement de nom pour Alien, plus simple et évocateur. Malgré cette nouvelle mouture du scénario, la Fox, qui en a acheté les droits, est réticente à financer le film. Mais, en 1977, les producteurs voient leur sort changer grâce à l’immense succès d’un petit « space opera » : Star Wars. Soudainement, le genre de la science-fiction revient à la mode et tout Hollywood tente de trouver son prochain succès. Finalement, la Fox donne son aval à Alien en lui accordant un budget quand même assez dérisoire pour l’époque et pour le genre, soit 4,2 millions de dollars américains. La production doit maintenant dénicher un réalisateur. 

Soudainement, le genre de la science-fiction revient à la mode et tout Hollywood tente de trouver son prochain succès

Issu du monde de la télévision en tant que concepteur artistique, puis éventuellement réalisateur, le Britannique Ridley Scott devient, dans les années 70, l’un des réalisateurs de commerciaux les plus en vogue en Angleterre. En 1977, son premier long métrage, The Duellists, remporte le prix du meilleur premier film au prestigieux Festival de Cannes. Épaté par le visuel léché du film, les producteurs offrent Alien à Scott qui s’empresse d’accepter. Celui-ci veut vraiment mettre l’emphase sur la partie horreur du scénario et il entrevoit le film comme « The Texas Chainsaw Massacre de la science-fiction »! Enthousiaste, Scott conceptualise plusieurs éléments du film, comme le vaisseau Nostromo et les habits d’astronautes de l’équipage. Impressionnée par les visuels de Scott et ses storyboards, la Fox double le budget de la production. Mais, une question demeure entière : à quoi ressemblera la créature? 

Encore hanté par les visuels de Giger, O’Bannon montre ses œuvres à Scott. L’une d’entre elles, le Nécronomicon IV, qui dépeint une créature biomécanique noire, servira d’inspiration. Au début, la Fox se montre très réticente à ce que la production embauche Giger comme concepteur visuel, mais Scott parvient à les convaincre. Il rencontre lui-même l’artiste en Suisse afin de le recruter. En plus de concevoir l’environnement de la planète et du vaisseau extra-terrestre échoué, Giger conceptualise les quatre étapes de la transformation de la créature : de l’œuf jusqu’à sa forme adulte. 

Le premier design sur lequel s’attarde Giger est le « facehugger », la créature qui s’attache au visage de Kane (John Hurt). Il créé ensuite le « chestburster », qui sort de la poitrine du même personnage plus tard dans le film, devenant du même coup l’une des séquences les plus emblématiques, et terrifiantes, du cinéma. Et le tournage de la scène l’avait été tout autant pour les comédiens. Une prise a été tournée et c’est elle qui apparaît dans le film. Malin, Scott n’avait pas pleinement donné les détails de la scène. Les comédiens avaient vu la créature, mais, ils ne s’attendaient pas à voir tout ce sang jaillir. La réaction terrifiée de l’actrice Veronica Cartwright (Lambert) est donc vraie. Elle ne simulait pas son effroi! 

Pour la phase finale de la créature, un défi de taille s’impose à Ridley Scott : comment la montrer à l’écran? S’inspirant de Jaws, le réalisateur décide ne pas trop la montrer pendant une bonne partie du film. Comme le requin dans le film de Spielberg, Scott préfère évoquer la créature et laisser aller l’imaginaire des spectateurs, créant un plus grand suspense. Pour la signature visuelle, c’est H.R. Giger qui sculpte le corps de la créature, mais c’est Carlo Rambaldi qui fabrique sa tête mécanique. Rombaldi avait auparavant collaboré à créer les extraterrestres du film Close Encounters of the Third Kind de Steven Spielberg et pour lequel il fera également son E.T. quelques années plus tard. Il utilise un système de câbles pour permettre à la créature d’ouvrir sa bouche pour ainsi un révéler une deuxième encore plus menaçante. Pour sa salive abondante, il emploie du lubrifiant K-Y! Pour la majorité des plans, elle est incarnée par Bolaji Badejo, un acteur filiforme mesurant 6 pieds et 10 pouces, qui enfile un costume en latex. 

À l’origine, le film devait se conclure avec le personnage de Ripley s’échappant du Nostromo qui explose. Vers la conclusion du tournage, Scott conçoit l’idée pour une nouvelle séquence supplémentaire qui verrait la créature, maintenant à bord de la capsule, combattre Ripley, la seule survivante. Le réalisateur convainc le studio d’allonger un montant de plus pour la tourner, mais celui-ci s’oppose à l’une de ses idées : celle de la créature qui décapite Ripley et qui imite ensuite sa voix pour un enregistrement de données. La Fox voulait que Ripley l’emporte et que la créature soit tuée, une conclusion justifiée et un peu plus logique… 

Sorti en mai 1979, le film remporte immédiatement un grand succès aux guichets. Si aujourd’hui Alien est considéré comme un incontournable du 7e art, il avait toutefois divisé les critiques, certains le catégorisant comme œuvre mineure de science-fiction ou le réduisant qu’à une simple histoire de maison hantée. Le film est maintenant cité parmi les plus importants et signifiants du cinéma populaire. En 2024, un nouveau chapitre vient s’ajouter à la franchise avec la production Alien: Romulus qui sortira en salles au mois d’août.  

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