On a discuté avec Marc Fournier et Frédéric Cloutier alias Yves Jacob et Jérôme Langevin
JE N’AI PAS BEAUCOUP DE TEMPS LIBRES DANS MA VIE, MAIS DEPUIS TROIS ANS, MON PLUS GRAND PASSE-TEMPS, C’EST REGARDER DISTRICT 31. SANS BLAGUE, CETTE SÉRIE QUE PRESQUE TOUS LES QUÉBÉCOIS REGARDENT ASSIDÛMENT A CHANGÉ NOTRE VISION DES TÉLÉROMANS QUOTIDIENS. ON A EU LA CHANCE CETTE SEMAINE DE DISCUTER AVEC MARC FOURNIER (YVES JACOB) ET FRÉDÉRIC CLOUTIER (JÉRÔME LANGEVIN) ET, ÉVIDEMMENT, LE DISTRICT LE PLUS POPULAIRE DU GRAND MONTRÉAL ÉTAIT UN SUJET PAS MAL IMPORTANT DANS NOS CONVERSATIONS! DEUXIÈME PARTIE DE DEUX, ENTREVUE AVEC FRÉDÉRIC CLOUTIER.
Frédéric, comme je disais un peu plus tôt cette semaine à Marc Fournier, on est dans la thématique District 31 et, cette semaine, ça en a été une plutôt « tough » pour l’équipe du 31… Ouf! Le moins que l’on puisse dire, c’est que le 31 n’est pas épargné ben, ben hein! [Un des patrouilleurs venait de perdre la vie au moment où l’entrevue a été réalisée.] Non, non, non. Ça brasse au 31! (Rires)
Des fois, je me dis à moi-même : « Je ne sais pas si ça se passe de même dans les autres districts, mais ciboire qu’il s’en passe des choses au Service de police du Grand Montréal. J’espère en effet qu’il ne s’en passe pas autant des affaires, parce que ça brasserait sur l’île. (Rires)
District 31, c’est vraiment sur toutes les lèvres depuis un gros deux ans. Comme ça se passe de ton côté? J’imagine que ç’a dû changer pas mal de choses dans ta vie? Oui, ç’a changé pas mal de choses. Disons que, du jour au lendemain, ça passe d’un acteur qui travaille constamment, mais un peu dans l’ombre, à un seul projet. Même si ce n’est pas un projet dont je suis le leader, c’est tellement gros que même les rôles secondaires, tout d’un coup, sont très importants.
Qu’est-ce qu’on te dit le plus souvent quand on te croise dans la rue maintenant? La première saison, c’est sûr qu’on me parlait de Magalie [Lépine-Blondeau; Nadine Legrand]. On me parlait des départs de lieutenants [Jeff Morin est décédé aussi, interprété par Luc Picard]. D’emblée, on m’appelle Jérôme, ça c’est clair. On me demande beaucoup aussi si je suis un vrai policier.
Je dois dire que l’uniforme te sied particulièrement bien je trouve! Eh bien, c’est gentil! (Rires) Mais pas du tout. Si j’avais eu un fantasme de p’tit gars, ça aurait été plutôt pompier que policier.
Est-ce qu’on s’habitue à l’uniforme? Je veux dire, on doit se sentir vraiment « dedans » quand on porte toujours l’uniforme sur soi, non? Ben oui et, en plus, je suis toujours au poste hein! Je dis à mes p’tits gars : « Papa s’en va au poste de police. » Je suis comme une vraie fausse police pour eux autres. Tout le monde me voit comme une police. Leurs amis croient que leur papa est une police parce qu’ils me voient ainsi à la télé. C’est toujours délicat à 7-8 ans. C’est la troisième année que je vais au studio 2-3 fois par semaine, j’enfile mon uniforme. Je me sens un peu comme à mon époque de hockey; quand j’arrive, je mets mon uniforme dans ma loge. C’est comme une routine, embarquer dans mon uniforme de police, c’est toujours la même. Si je compare à d’autres projets de télé où tu changes de costumes chaque fois parce qu’on veut que ça évolue. Y’a pas d’évolution, en tout cas, pas dans mon costume!
(Rires) Clairement, ta garde-robe n’est pas la plus garnie du set du District 31. Ça, c’est clair! (Rires)
Préfères-tu l’uniforme de policier ou celui de joueur de hockey? Ahh… Ça c’est une bonne question! Je porte beaucoup plus l’uniforme de police maintenant, mais j’ai toujours tellement fait de métaphores entre mon métier d’acteur et ma passion de joueur de hockey quand j’étais plus jeune. T’sais, la joute, le jeu, le sport… Pour moi, District 31, c’est comme être dans une chambre de hockey. Gildor Roy, c’est un « trooper », c’est un gars d’équipe. Hélène Bourgeois-Leclerc, c’est « one of the boys ». Y’a bien des vedettes sur ce plateau-là, mais y’a personne qui se prend pour une vedette. C’est extraordinaire et je pense que ça se sent jusque dans l’écran.
On me demande beaucoup si je suis un vrai policier.
J’aimerais ça que tu me parles un peu de ce que ça t’a apporté, District 31, professionnellement. C’est spécial d’avoir une stabilité comme travailleur autonome, comme comédien. Quand tu décides de faire ce métier, tu choisis cette instabilité-là, veut veut pas. Tu le sais qu’en sortant de l’école de théâtre, tu ne trouveras pas un job que tu vas garder pendant 25 ans. C’est évident. Mais là, je me sens un peu comme ça. (Rires) Je travaille au « bureau », je sais que je tourne la semaine prochaine, j’ai une stabilité, je sais que je tourne dans 2-3 semaines encore. C’est extraordinaire. Mais, d’un autre côté, c’est quand même une lame à double tranchant, on est tellement sollicités de ce côté-là qu’on est peu disponible pour aller passer d’autres auditions. Je n’ai pas rejoué au théâtre, j’ai fait quelques petits projets disons plus artistiques, mais, chaque fois, c’était difficile de rentrer ça dans l’horaire de District et, veut veut pas, c’est le projet que tu privilégies à cause des sous, de l’opportunité que ça offre, de la visibilité que ça donne, etc. C’est spécial de se retrouver avec une espèce de sécurité d’emploi. (Rires) Je sais que je vais travailler demain. Maintenant, c’est d’installer une certaine malléabilité. C’est d’ajouter d’autres projets ou d’autres productions à côté, même si c’est toujours « tricky » et la dernière chose que tu veux, c’est te mettre cette production-là à dos parce que c’est vraiment un beau projet.
Et personnellement? Passer d’inconnu à connu… Quand tu dis que tu es comédien et que les gens ne te reconnaissent pas, y’a toujours une petite grimace qui vient avec ça. Et je suis un comédien qui fait ça depuis des années et qui a toujours bien gagné sa vie; j’ai fait beaucoup de voix, j’ai joué au théâtre, etc. Et j’ai joué dans à peu près toutes les séries, mais de façon épisodique. Je pense qu’un peu comme tous les comédiens dans cette situation-là, tu ressens le besoin de te justifier en disant que tu fais des voix, etc. Là, tout d’un coup, je n’ai plus besoin de dire que je suis comédien parce que les gens m’abordent pour cette raison-là. Ça change quant à la notoriété. J’ai travaillé des années avec les adolescents à la Rencontre Théâtre Ados en étant l’un des médiateurs culturels et j’allais parler de mon métier d’acteur, du théâtre, etc. aux jeunes… en étant un peu anonyme. Tout d’un coup, parce que je joue dans District 31, je rentre dans une école et on dirait que le message ne passe plus de la même façon.
Ah ouais? Tu t’en rends compte à ce point-là? Ah ben oui! Tout d’un coup, les gens sont intéressés à moi avant que j’ouvre la bouche. Ça devient difficile de parler de théâtre parce que la première question des jeunes, c’est : « Est-ce toi dans District 31? » Puis : « Es-tu une vraie police? » (Rires) Après ça, y’a une curiosité qui vient en raison du vedettariat; les petits garçons capotent ben gros sur Magalie Lépine-Blondeau, ils veulent savoir si Sébastien Delorme est gentil, etc. Ça excite beaucoup! T’as beau vouloir venir parler de la culture, de l’art et du théâtre, District, ça rentre chez eux à tous les soirs. C’est fou!
Et la qualité est là; c’est incroyable. Tout le monde est rivé tous les soirs à son écran… ou le vendredi soir, pour regarder les émissions de la semaine en rafale… Ça devient un rendez-vous! Je comprends; je ne la regarde pas, honnêtement. Ça va m’arriver de faire des détours, particulièrement quand il y a des trucs plus « crunchy » ou quand des scènes ont été tournées à l’extérieur du studio et que je n’ai pas eu la chance d’en être témoin. Ou quand on me raconte une anecdote survenue dans telle situation. Ça va m’arriver de faire des détours. Mais je me sens exactement comme vous quand je reçois mon courriel qui me dit : « Voici les quatre prochains épisodes. » Là, je capote ma vie. J’ai toujours hâte à ce moment-là où je vais lire les prochains épisodes et c’est rare que je ne les mange pas les quatre en ligne quand je les reçois. Pis là, je vais voir qui est le nouvel acteur qui joue le nouveau personnage… (Rires) Je me sens comme vous autres, mais en lecture. Dans mes lectures, c’est extrêmement bon aussi! (Rires)
Est-ce que ça te rappelle d’autres moments qui t’ont aussi accroché? Ben, ça me rappelle, Omertà… et le lien n’est pas dur à faire. On parle du même groupe et du même auteur. J’étais un petit garçon qui ne regardait pas beaucoup la télé et qui était très actif. Je bougeais beaucoup. Mais Omertà, ça m’avait assis ben comme il faut. C’est même un point de départ, de me dire que je ferais ça dans la vie, jouer à l’agent secret. Et quand j’ai su que j’auditionnais pour un projet de Luc Dionne, je me sentais un peu intimidé.
J’ai cru comprendre que tu avais auditionné pour le rôle de Stéphane « Poupou » Pouliot, le personnage de Sébastien Delorme, d’ailleurs? Ouais! J’ai reçu ça et j’étais un peu impressionné, et puis l’agence aussi. (Rires) Je navigue de projet en projet pis je touche à tout. Mais de là à être invité pour un des prochains rôles-titres de la nouvelle quotidienne de Fabienne Larouche écrite par Luc Dionne? On a pogné un peu le « shake » à l’agence. Je me disais que c’était gros et qu’il ne fallait pas que je la manque [l’audition]. Je me demande jusqu’à quel point je pouvais être vendeur, dans mon métier d’acteur, pour tenir une série comme ça. Je n’ai jamais douté de mon talent d’interprétation, mais reste que c’est un métier qui ne demande pas juste du talent pour vendre. Mais je suis bien content qu’ils aient osé essayer de jeunes acteurs. On me voit beaucoup dans la série, et on voit beaucoup aussi de nouveaux acteurs, de nouveaux visages. C’est un beau mélange des deux. Des Marc Fournier qui n’était pas très connu et qui a un beau rôle; il gagnait à l’être, par exemple. C’est une belle tribune pour les nouveaux visages et c’est le fun qu’ils fassent de la place pour eux aussi.
Le personnage de Jérôme est parfait; c’est un méchant bon Jack, il est gentil, honnête, une belle touche d’humour aussi. Dirais-tu que Jérôme et toi vous vous ressemblez, d’une certaine façon? Je dirais même que, de plus en plus, il finit par me ressembler. Je le trouve plus gentil dans la troisième saison qu’il pouvait l’être dans la première. Dans l’écriture, on dirait qu’on se dirige vers là.
Tu sens qu’on l’a adouci? Ouais! Mais je suis beaucoup plus sensible que lui et surtout beaucoup plus poli. (Rires) Je cogne aux portes, moi, quand je rentre quelque part. Lui, il rentre sans cogner… y’a beau avoir deux commandants dans un bureau, il rentre sans cogner, y’a pas de gêne, pis j’aime ça. C’est le côté « police » dans le sens où on a une job à faire pis on la fait. Il est beaucoup plus « carré » que moi.
Y’a le côté urgence du métier qui n’aide pas… Oui, ça c’est sûr. Y’a ce côté-là du gars qui ne s’excuse pas, qui ne se pose pas trop de questions; il est un peu plus efficace que moi là-dessus. J’ai plus tendance à m’excuser pis à dire des « s’il-vous-plaît » que Jérôme.
Dis-moi, tu travailles beaucoup avec les jeunes. On parlait tantôt de ton rôle de porte-parole pour la Rencontre Théâtre Ados. Est-ce que c’est un peu le fait d’avoir eu un enfant très jeune qui t’a amené à t’impliquer auprès de cette clientèle-là? J’ai toujours voulu avoir des enfants jeune. J’ai toujours aimé les enfants, ce n’est pas un hasard si je suis devenu un papa plutôt jeune. Mais je n’ai jamais pensé, pendant que j’étais à l’école ou à ma sortie de l’école, d’être dans l’enseignement ou dans le partage avec les jeunes. Ce n’est pas quelque chose dans laquelle je pensais être bon non plus. Mais c’est un gros hasard. Je fais de la photo de façon très, très amateur et on m’a demandé d’aller faire de la photo pour le festival à un moment donné et j’étais allé. On m’a demandé si je pouvais être intéressé à faire de la médiation culturelle avec les ados. C’est un terme avec lequel je n’étais pas vraiment à l’aise. C’était de prendre des artistes et de les amener en classe pour que les jeunes touchent au théâtre. Pas juste venir leur en parler. Vraiment d’envoyer l’artiste pour discuter sur les processus de création, partager leur passion. Et je me suis retrouvé à être vachement doué avec les ados. C’est une clientèle qui m’effrayait au début parce que je pensais que les jeunes allaient tous s’en foutre… T’sais les petits gars qui jouent au football, je m’en vais leur parler de Molière… ils vont rire de moi! Je me demandais si ça allait bien passer. Et j’ai finalement découvert une clientèle extraordinairement curieuse, allumée, intelligente. Je sortais de chacune de ces rencontres aussi excité qu’eux! C’est pour ça que j’en ai fait pendant plusieurs années et j’en fais encore même si je n’ai plus nécessairement besoin. La notoriété de District 31 fait en sorte que je suis passé d’un médiateur passionné chez eux à un porte-parole convaincu.
Sinon Frédéric, tu dirais que tu es quel genre de gars dans la vie? Je suis, d’abord et avant tout, un papa. Ça fait tellement longtemps que je suis papa que je me considère comme ça. Donc pas mal toutes mes actions sont portées pour être, en quelque sorte, le meilleur papa du monde. J’essaie d’être le papa le plus aimant possible. Je dirais aussi que je tends beaucoup vers le mantra : un esprit sain dans un corps sain. Je m’entraîne, j’essaie de rester en forme physiquement. J’essaie de passer du temps de qualité avec ma femme et mes enfants. Faire des sorties en famille, y’a pas grand-chose qui me fait sentir plus heureux que ça. Voir mes garçons devenir les meilleurs amis du monde, je trouve ça extraordinaire.
Comment s’enligne ton année 2019? Y a-t-il d’autres projets sur lesquels tu sais que tu vas travailler? Comme je disais plus tôt, on a un peu de difficulté à rajouter des projets avec l’horaire de District 31, mais là, à l’approche des Fêtes, on essaie de donner un petit coup dans les auditions sachant les semaines qui viennent un peu à l’avance. On est prêts à essayer de ramasser de petits contrats. Y’a rien de super concret pour l’instant, mais dans ma tête, je décrocherais 2-3 publicités et des voix pour combler le temps des Fêtes, m’occuper et juste pour le plaisir de participer à d’autres projets aussi. Ceci dit, c’est extraordinaire parce que j’ai la chance d’avoir des vacances d’été grâce à District 31. (Rires) Je n’en avais jamais eu. Donc je n’ai pas de projets artistiques à long terme pour l’instant. Pour 2019, j’ai un projet plus personnel. Il y a quelques années, j’ai commencé à me remettre en forme. Plus jeune, j’ai fait de l’athlétisme, du vélo de montagne, du hockey. Je faisais du sport d’assez haut niveau et j’y ai repris goût. Cette année, j’ai décidé de me lancer le défi et de faire un Ironman à la fin de l’été. En fait, c’est parti d’un défi avec la gang de District 31, on a décidé d’aller faire un triathlon ensemble pis tant qu’à apprendre à nager – comme je ne savais pas nager du tout –, j’ai décidé de pousser le défi encore plus loin et d’aller faire un Ironman, à la fin de l’été, à Tremblant. Ça demande donc pas mal de temps d’entraînement, pas mal de courage, et avec la situation actuelle de District 31, mes moments libres dans l’horaire, je les comble par l’entraînement au lieu de faire de la recherche de projets artistiques. Ça fait du bien.