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De projecteur à gicleur : l’ultra violence au cinéma.

Nicolas Lacroix
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Est-ce que l’ultra violence est, comme la beauté, dans l’œil de celui ou celle qui regarde ? Il y a évidemment une portion de subjectivité dans ce qu’une personne trouvera « ultra » violent comparativement à une autre. Une génération ayant grandi avec Tarantino ne sera pas choquée par Mad Max/Bolides Hurlants (1979) mais le public de l’époque le fut, à la grandeur de la planète. Le public qui a connu Orange Mécanique (1971) en salle trouverait plutôt rigolo l’émoi causé par un des tous premiers films, L’attaque du grand train de Edwin S. Porter mais à sa sortie en 1903, les gens se cachaient sous les bancs lors des fusillades, totalement terrifiés par une violence qu’ils n’avaient jamais vue.

Nous allons tenter ensemble dans cet article de remonter le fil de l’ultra violence, celle qui nous a mené aux giclées de sang de Deadpool. On évitera par contre de parler du cinéma d’horreur, dont les bases mêmes sont construites de violence à divers niveaux d’extrémisme.

 

L’ultra violence peut être utilisée par le cinéaste dans deux buts totalement distincts et opposés : pour choquer voire déstabiliser le spectateur (par exemple dans Funny Games de Hanecke) ou simplement pour le divertir (pensez justement Deadpool). Une des premières illustrations de l’utilisation déstabilisante date des débuts du cinéma : le film surréaliste Un chien andalou de Luis Bunuel et Salvator Dali, qui s’ouvre avec l’image d’une lame de rasoir tranchant un oeil. L’image n’a rien à voir avec le reste du court-métrage. Elle marque tous ceux qui voient le film.

Si le cinéma américain a fini par être submergé de violence, c’est ailleurs dans le monde qu’il faut chercher les premières instances de celle-ci. D’abord dans la séquence des marches d’Odessa du classique soviétique Le Cuirassé Potemkine de 1925. Surtout, il faut se rendre en Italie au début des années 60 où une poignée de cinéastes italiens, Sergio Leone en tête, reprennent les codes du Western américain et y injectent une bonne dose de violence et de nihilisme manquant aux originaux.

Cette violence reviendra finalement aux États-Unis à la fin des années 60 notamment dans la sanglante finale criblée de balles de Bonnie & Clyde d’Arthur Penn en 1967 puis en 1969 dans La Horde Sauvage de Sam Peckinpah, un des apôtres de l’ultra violence dans le cinéma américain. Inspiré par la débâcle américaine au Vietnam, Peckinpah a fait le Western le plus violent du genre, le plus sombre, un film qui a fait quitter la salle à plusieurs critiques lors de sa projection initiale. Un film aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre.

1971 fut une année charnière pour la montée de l’ultra violence au cinéma grâce à deux films principalement : Orange Mécanique de Kubrick et Les Chiens de paille justement de Peckinpah. L’année suivante, Délivrance de Boorman s’ajoutera. Des films qui feront scandales et qui marqueront des étapes certaines dans l’acceptation éventuelle de ce qu’on peut présenter à l’écran, notamment le viol de Ned Beatty dans Délivrance.

 

Le ton est lancé pour les années 70 qui apporteront leur lot de films repoussant toujours les limites de la violence explicite. De l’Inspecteur Harry en passant par Voyage au bout de l’enfer, Taxi Driver, Le Parrain et bien plus, le cinéma rejoint les images que le citoyen moyen voit chaque soir aux infos, les horreurs de la guerre du Vietnam et le désenchantement face aux espoirs des années 60.

Un énorme changement s’accélère au cours des années 80 : alors que la violence voulait encore surtout déranger dans les années 70, elle devient de plus en plus un divertissement. D’abord cinéma d’horreur connaît son âge d’or et dans le cinéma en général, les films comme Robocop, Scarface, Terminator (pas mal tous les films de Schwarzenegger en fait) font de la violence quelque chose d’excitant. La violence excessive devient de plus en plus le but principal d’aller voir ces films. Comme il faut toujours attirer plus de gens, la violence est toujours de plus en plus excessive.

Ce qui nous forcera, vu un certain puritanisme de la culture américaine, à nous tourner dans les années 90 vers l’Asie pour de vrais excès de violence. Je ne citerai que deux réalisateurs majeurs de l’hyper violence des années 90, un Chinois et un Japonais : John Woo et Takashi Miike.

Woo est celui qui a pris les bases du Western américain (on n’y échappe pas à ce genre) et qui les a non seulement modernisés mais complètement transformés pour en faire des balais de violence. Sa filmographie de la fin des années 80 et du début des années 90 re présente un must pour les amateurs de combats à l’arme à feu. Le Syndicat du Crime 1 et 2, The Killer et surtout Hard Boiled sont des oeuvres essentielles pour tout amateur d’action.

Quant au Japonais Takashi Miike, il représente possiblement le plus déjanté d’un bassin de cinéastes déjantés. Ses films donnent surtout dans le noir-film de gangster et l’horreur. Très prolifique, il peut tourner 10 à 14 films par année! Évidemment, leur qualité varie mais il nous a offert plusieurs pièces incontournables de l’ultra violence, notamment la série Dead or Alive et surtout Ichi the Killer, un film qui testera les limites de bien des gens. Vous connaissez peut-être aussi de nom son chef-d’œuvre Audition, mais j’ai dit que je ne parlerais pas d’horreur…

Pendant ce temps, l’Amérique se découvre un nouveau prêtre de l’ultra violence au cinéma, qui a mastiqué et régurgité les influences des paragraphes précédents pour nous les servir à sa façon, un certain Quentin. S’il y a une personne responsable d’avoir transformé la violence extrême en divertissement, c’est Tarantino. Dès Reservoir Dogs mais surtout dans Pulp Fiction puis Kill Bill, Tarantino se sert de litres de sang pour éclabousser l’humeur du spectateur et souvent, le faire rire.

Même les divertissements très grand public des années 2000 ont leurs moments, comme la série Hunger Games dont le concept demeure assez violent merci (et calqué sur un des films que vous retrouverez dans mes suggestions à la prochaine page).

Depuis une quinzaine d’année cependant, la Disney-fication du cinéma a un peu ralenti l’ultra violence mais même Marvel n’a pu totalement y échapper, via Deadpool et Logan. Disney a d’ailleurs promis, suite à l’achat du studio Fox, que s’il y a un Deadpool 3, il aura une cote d’âge semblable aux autres.

Quelle excellente nouvelle !

SUGGESTIONS

Une sélection de films qui ont marqué des étapes dans la montée de la violence au cinéma :

MAD MAX

Un grand film du mouvement ultra violent.

ICHI THE KILLER

Le film de gangster le plus rempli de fluides humain de l’histoire du cinéma.

CLOCKWORK ORANGE

Une légende qui en a long à dire sur cette ultra violence.

FUNNY GAMES

Deux versions, un réalisateur, deux films très dérangeants.

TAXI DRIVER

Du grand Scorsese et une finale qui éclabousse le spectateur.

THE KILLER

Possiblement le sommet de la carrière du réalisateur John Woo, le Beethoven de l’ultra violence par arme à feu.

C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS

Précurseur des films de type found footage, ce documenteur belge est un bijou d’ultra violence et d’humour très très noir.

DREDD

La 2e version de ce personnage de bande dessinée est hyper violente et ressemble à l’excellent The Raid.

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