Décrocher? Pas capable…
Il fait 29 degrés, c’est la plus belle journée que l’été t’offrira, mais tu ne la verras pas, cloitré, encastré entre tes quatre murs. Tu devrais culpabiliser de ne pas profiter de celle-ci, mais il n’en est rien. L’odeur qui t’agresse les narines est bel et bien la tienne et te rappelle que ta dernière douche remonte à trois jours. Tes yeux cernés n’en peuvent plus d’être bombardés de cathodiques images, mais tu es en mission et tu ne dérogeras pas de ton interminable marathon. La misère du monde peut bien frapper à ta porte, mais tu ne répondras pas. En symbiose avec ton divan, la « potatoe couch » que tu es devenue se doit de terminer l’épisode dont l’intrigue est dorénavant ta principale obsession.
Tu es officiellement un « binge watcher ». « Le ‘’binge watching’’ est issu de l’expression ‘’binge drinking’’ et consiste à consommer des épisodes de séries de façon effrénée sur une courte période de temps », de nous expliquer Pierre Barrette, directeur à l’École des médias de l’UQAM. Ces séries scénarisées de mains de maître et ficelées au quart de tour tel un gigot en pleine séance de shibari rendent littéralement accro et ont emprise sur toi. Tu te dis en toute bonne foi : « Ce soir, je ne regarde QU’UN SEUL ÉPISODE, promis! » Mais tu te mens et tu le sais. 24 est un précurseur de ces haletantes séries dont il est impossible de décrocher. Construit méthodiquement de façon à ce que l’auditoire ressente le besoin perpétuel d’aller voir un peu plus loin, chaque segment est finement tissé afin de se clore par une montée de climax prenant pour otage ta curiosité. « Ces séries sont bâties pour laisser le téléspectateur systématiquement sur sa faim. On a désormais accès aux saisons complètes et une saison entière est consommable en une soirée. Les productions ont éliminé le rappel de l’épisode précédent et retardent le générique d’entrée afin que le téléspectateur replonge immédiatement dans l’intrigue », relate monsieur Barrette, qui est aussi codirecteur du Laboratoire de recherche sur la culture de grande consommation et la culture médiatique au Québec.
(Lire l’article complet dans l’édition #161 février 2019 – www.boutiquesummum.com)