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RAP QUEB

Chroniqueur Marc Lajambe
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Il faut avoir la tête profondément enterrée dans le sable pour ne pas constater que les rappeurs sont les nouvelles rockstars et que le hip-hop domine les palmarès partout dans le monde. Même si le Québec demeure souvent un peu en retard sur les tendances mondiales en matière de musique, notre scène hip-hop est en pleine effervescence et elle existe depuis assez longtemps pour qu’on puisse tenter de vous l’expliquer en suivant une ligne temporelle bien définie. Voici donc la petite histoire du rap queb!

Les années 80

Le courant découle d’abord d’un mouvement instauré localement vers le début des années 80 par des pionniers, tels que Andrew Carr, Butcher T et Mike Williams. C’est là qu’apparaissent les premières pièces du hip-hop québécois, influencées par la vague hip-hop américaine. Cependant, à l’époque, c’est surtout quand le rap est traité avec humour qu’il obtient un certain succès. Des exemples? Le Rap-à-Billy de Lucien Francoeur, enregistré en 1983, ou le 45 tours Ça rend rap de Rock et Belles Oreilles, sorti en 1985.

Les années 90

Vers 1993, l’âge d’or du hip-hop américain frappe la culture populaire de plein fouet et cohabite avec l’explosion grunge. Quelques années auparavant, son influence était grandissante et plusieurs artistes d’ici sortaient des chansons qui s’en inspiraient. Daniel Lavoie est certainement l’un des premiers artistes déjà connus à faire une incursion en territoire hip-hop avec Pape du Rap, en 1990. À la même époque, Rapper chic d’un type appelé Le Boyfriend est également en rotation excessive à la radio. C’est dans la seconde moitié de la décennie que les premiers groupes hip-hop importants « Made in Quebec » apparaissent : Dubmatique, La Constellation, LMDS. Si ces groupes obtiennent beaucoup de succès, on ne perçoit pas beaucoup l’identité québécoise dans l’accent de type français international qu’ils utilisent. Le joual québécois fera son apparition vers la fin de la décennie, notamment dans la musique de Muzion, Sans pression et Traumaturges (devenu plus tard Atach Tatuq).

Les années 2000

C’est l’arrivée du gangsta rap fleurdelisé avec Yvon Krevé, Le Voyou, KZ Kombination et plusieurs autres. Lentement, le hip-hop se taille une place dans les festivals importants de la province (notamment aux Francofolies de Montréal). Le rap plus politique de Manu Militari et de Loco Locass, trio actif depuis le début de la décennie, obtient un succès critique énorme. C’est le début de l’Internet en tant que principal outil de diffusion de la musique, alors que le hip-hop est progressivement abandonné par MusiquePlus, qui se recycle en station de diffusion des émissions de téléréalité américaines.

Les années 2010

La dernière décennie a été témoin de l’arrivée de groupes plus québécois dans leur identité, tels que Alaclair Ensemble et Dead Obies. Un peu comme dans le reste du monde, de plus en plus d’artistes se battent contre les stéréotypes au sein de l’industrie. C’est également l’ère de l’émergence des beatmakers plus expérimentaux et du hip-hop instrumental québécois, un genre qui mériterait d’être exploré en profondeur.

En conclusion

Comme partout dans le monde, le hip-hop est désormais bien établi ici. Toutefois, rares sont les artistes qui gagnent leur vie exclusivement grâce au rap au Québec, où il est déjà difficile de faire de l’argent avec la musique. Dommage, parce que ce n’est vraiment pas le talent qui manque. N’hésitez pas à pousser la curiosité plus loin et à acheter du hip-hop local!

SUGGESTIONS

Les bons disques hip-hop bien de chez nous sont légions et nos suggestions auraient pu nécessiter beaucoup plus de pages. Concision oblige, les huit titres qui suivent constituent selon nous des incontournables. Amusez-vous!

Dubmatique – La Force de comprendre (1997)

Quand Dubmatique remporte le Félix de l’album rock alternatif de l’année, en 1997, la catégorie hip-hop n’existe pas encore au Gala de l’Adisq. C’est probablement pour cette raison que leur premier album est considéré comme la première œuvre majeure du hip-hop québécois par plusieurs d’entre nous. Le groupe a su tirer son épingle du jeu grâce à la rotation de leurs vidéoclips à MusiquePlus, entre autres choses.

Sur repeat: Soul pleureur / Authentiques / Dire

Muzion – Mentalité Moune Morne (1999)

Naviguant dans le sillon de la popularité de Dubmatique, le groupe mené par Dramatik propose un album qui mettra un frein à la vague de rap formaté qui l’a précédé pour proposer une esthétique plus éclatée basée sur des thématiques profondément mélancoliques, une direction musicale plus sombre et un lexique franglais plus singulier. Un grand classique de l’époque, qui n’a pas pris une ride.

Sur repeat: Rien à perdre / La Vi Ti Neg / De bonne foi

Yvon Krevé – L’accent grave (2000)

Au tournant du siècle, tous les yeux sont rivés sur… Longueuil. C’est la faute d’un p’tit voyou aussi charmant que baveux appelé Yvon Krevé. Sur son premier album, il décrit un quotidien pas toujours rose vécu dans les rues de son patelin. Un album cru, direct et sans flaflas qui démontre en 14 chansons qu’il existe bel et bien un rap typiquement québécois.

Sur repeat: C’est rendu FU / Ma route / Suspect

Loco Locass - Manifestif (2000)

Avec ses échantillonnages pigés dans certains événements clés de notre histoire et ses paroles bourrées de références politiques, le rap de Biz, de Batlam et de Chafik se veut résolument engagé. C’est avec Amour Oral qu’ils obtiendront les faveurs des critiques, mais on a un gros faible pour leur tout premier album.

Sur Repeat: L’Assaut / Langage-toi / Médiatribes

Alaclair Ensemble – 4,99 (2010)

Alaclair, c’est un peu comme le Wu-Tang Clan fleurdelisé. Le collectif se fractionne souvent pour nous offrir des albums solos de ses membres. Toutefois, c’est leur premier album qui occupe la plus grande place dans nos cœurs. Celui-là même qui a permis à la bande de remporter le trophée Lucien du GAMIQ dans la catégorie Révélation de l’année.

Sur repeat: Moi chu down – Cauchemars / Fussy fuss

Dead Obies – Montréal $ud (2013

De l’autre côté du fleuve, une bande de jeunes turbulents faisait beaucoup de bruit avec son mixtape Collation vol.1. C’est cette compilation qui a permis à Joe Rocca, à Yes McCan et à leurs potes d’attirer l’attention de l’étiquette indépendante Bonsound pour la sortie de ce premier effort, qui demeure la pièce de résistance de leur discographie.

Sur repeat: Get Dough / Dead Zeppelin / Tony Hawk

Connaisseur Ticaso – Normal de l’Est (2020)

Ce premier véritable album de Steve Casimir s’est fait attendre longtemps. Son talent a d’abord été révélé au public grâce à la compilation Montréalité en 1999, mais un séjour en prison et une sortie d’album annulée en 2008 lui ont compliqué la vie un brin. Mieux vaut tard que jamais, par contre, puisque Ticaso est facilement l’un des meilleurs rappeurs de la province malgré ses quatre décennies et des poussières.

Sur repeat: Dos large / Pour la vie / Trauma

Jay Jay – Bloc 2000 (2021)

Le très jeune protégé de Souldia vient tout juste de lancer un premier album sur les Disques 7e ciel, plus grosse étiquette hip-hop du Québec. Le pré-ado de 12 ans aborde son quotidien de Limoilou et lance des fleurs à sa maman sur quelques titres. On est loin du gangsta rap, disons, mais ça fait du bien des fois.

Sur repeat: Malewa / Jeanine / Feu rouge

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