CHASSE – Les femmes plus présentes que jamais
La saison de la chasse est à nos portes : caribous, cerfs de Virginie, orignaux, ours, petits gibiers, dindons. Pour les chasseurs, c’est la plus belle saison de l’année… mais aussi pour les chasseuses. En effet, le sport est de moins en moins réservé aux hommes. Les femmes prennent d’assaut les caches et les camps, et pas que pour cuisiner. Et les autres, celles qui ne chassent pas? Le chat parti, les souris dansent!
Les veuves joyeuses
Pour les veuves de chasse, le bonheur de se retrouver seules à la maison est toujours aussi primordial pour la santé amoureuse du couple. « C’est le petit moment où tu peux repeindre la garde-robe qui a besoin d’un peu d’amour », cite comme exemple Annie Tremblay, vice-présidente de la Seigneurie du Triton. Elle enchaîne : « Être une veuve de chasse, c’est se retrouver avec ses enfants et passer du temps de qualité! »
Pour Émilie Grandbois, être veuve de chasse est tellement important dans sa vie qu’elle demande parfois à son chum de se trouver un trip de chasse. « La vie de couple, c’est beau, mais des moments intimes entre chums de filles, ça n’a pas de prix! On magasine, on se fait livrer de la bouffe, on se fait les ongles et, surtout, on se laisse traîner sans que personne nous fasse une remarque. Bref, c’est le gros fun noir quand notre homme part à la chasse! »
On est loin de l’image de la veuve endeuillée qui s’ennuie : « Quand mon mari part à la chasse, j’appelle mes amies pour un ‘’sleepover’’ à la maison, puis laisse-moi te dire que le bar y passe! », relate avec humour Louise Grenier, la femme d’un collègue chasseur lors d’un souper.
L’appel du Sud entre copines
Pendant que le chasseur se cache dans les arbres, la veuve part à la chasse d’activités pour se changer les idées. Ce n’est pas rare de voir ces veuves plier bagage et s’envoler vers le Sud pour passer une semaine sur la plage. Selon Hélène Langlois d’Espace Voyage, les veuves de chasse constituent même une grande partie de son chiffre d’affaires. « On les voit débarquer ensemble à l’agence et réserver leur séjour. Excitées, elles sont comme des gamines qui préparent un mauvais coup, sans surveillance! »
Pour d’autres veuves de chasse, c’est la saison où elles sortent danser entre filles. Soirées latinos ou de danse en ligne, tout prétexte est bon pour sortir de la maison entre amies, surtout que la danse n’est pas toujours populaire chez les hommes. « Une soirée à danser la salsa avec de beaux danseurs fait autant de baume au moral qu’un chasseur qui tue son premier chevreuil de la saison », confirme Monique Tremblay, une collègue d’Hélène Langlois.
Des veufs joyeux, ça se peut?
Puisque la chasse gagne de plus en plus d’adeptes féminines, l’expression veufs de chasse commence à apparaître dans le vocabulaire. Le veuf de chasse est-il aussi joyeux que son pendant féminin? Ça, c’est un autre sujet. Car ce qui nous intéresse surtout, c’est comprendre l’engouement des femmes pour le sport.
La chasse bat son plein
D’abord, précisons que la pratique du sport est en bonne santé au Québec et qu’il y a de la relève, autant chez les hommes que chez les femmes. Directrice générale adjointe à la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FédéCP) et chez Héritage faune, Stéphanie Vadnais est témoin de cet engouement chez les femmes depuis au moins 10 ans. « Le nombre de permis augmente grandement auprès des femmes. C’est une très belle nouvelle pour le sport », lance gaiement Stéphanie.
Elle précise : « On le voit particulièrement dans les inscriptions au cours d’initiation à la chasse, que nous donnons tous les ans. Il y a une dizaine d’années, on avait 15 % à 20 % d’inscriptions par des femmes. Aujourd’hui, on est à 30 %. »
Annie Tremblay de la Seigneurie du Triton remarque aussi un changement de mentalité sur le terrain. « Il y a une vingtaine d’années, les femmes étaient exclues des activités de chasse, réservées aux hommes. Maintenant, ce n’est plus le cas. » Stéphanie Vadnais abonde dans le même sens : « Cette image s’est grandement transformée au cours des dernières années, notamment grâce à l’évolution des loisirs et à l’engouement pour les activités de plein air. »
Annie Tremblay explique : « Aujourd’hui, on vit nos loisirs différemment et on ne cherche plus à les faire séparément, sans doute parce qu’on a des horaires plus chargés et qu’on manque de temps. On développe de plus en plus des activités de couple, dont la chasse. C’est une activité qui permet de beaux rapprochements… »
Fauniquement femme
Avec la présence croissante de femmes, la FédéCP a « corrigé le tir ». Elle a créé le programme Fauniquement femme pour que les néophytes curieuses d’en apprendre plus sur la chasse puissent le faire, sans avoir ce sentiment d’être jugées ou dévalorisées avec des activités de chasses tenues par des femmes pour les femmes.
Stéphanie Vadnais soulève que cette crainte est en effet un frein pour bien des femmes. « Une fois que Fauniquement femme a pris son envol, les femmes ont été très réceptives aux messages partagés par les chasseuses d’expérience, qui avaient les bons mots pour persuader les recrues de s’initier au sport. »
« La multitude d’ateliers d’initiation proposés par la FédéCP aide à calmer la peur des armes à feu et de leur maniement », confirme-t-elle. Les débutantes apprennent comment utiliser leur arme, la manier et la nettoyer.
D’ailleurs, idéalement, une néophyte devrait considérer la chasse à l’ours noir et au petit gibier pour commencer. « Ce type de chasse se pratique dans de belles conditions et est plus actif, précise Stéphanie Vadnais. On est aussi plus à l’affût et il y a de belles marches à faire en forêt pour approcher les proies. Ensuite, on pourra considérer le plus grand gibier, pour se rendre à l’original : le Saint-Graal! Cela reste l’expérience ultime pour tout chasseur. »
À la recherche de l’émotion forte
Les émotions fortes et l’histoire derrière la chasse sont deux éléments qui séduisent les femmes. On est loin du rapport de force avec l’animal, mais plus près de la notion d’être connecté avec la nature. « Savoir d’où vient sa viande et comment on a réussi à tuer son chevreuil reste une sensation incroyable qui est difficile à expliquer », dit passionnément Annie Tremblay.
Le profil de la néophyte
Pour pratiquer la chasse, il faut avant tout nourrir sa curiosité, sa passion et sa persévérance. « La curiosité fait partie de la passion pour la chasse. Plus vous connaissez votre proie, plus vous pourrez l’amener à vous et l’abattre dans les règles de l’art », soutient Stéphanie Vadnais.
À ses yeux, la curiosité est la clé pour une bonne chasse. « Il faut connaître ce que l’animal mange, ses habitudes. Il faut qu’il devienne notre ami. On doit tout savoir sur lui pour mieux envisager tous les scénarios possibles lorsqu’on sera dans son habitat. »
La chasse est aussi une façon d’amener sa passion pour la nature à un autre niveau. Le respect est primordial, et l’humilité encore plus. Une bonne chasseuse met de côté son goût pour la performance et se laisse gagner par le calme de la nature. « La chasse, ce n’est pas un jeu de hasard. Il peut arriver une multitude de scénarios qu’on n’avait pas prévus », reconnaît-elle.
Sur un ton plus enjoué, elle ajoute : « Il faut être humble. Ce n’est pas un concours. Parfois, la nature gagne, d’autres fois, c’est nous. C’est la nature qui décide finalement, et on ne peut contrôler que certains paramètres. C’est pourquoi il faut beaucoup d’humilité lorsqu’on pratique la chasse. »
La beauté de cette activité est qu’elle varie d’une fois à l’autre puisque l’animal est imprévisible.
Le regard agrandi par la passion, Stéphanie Vadnais conclut : « Un jour, vous vous mettez à la chasse. Puis, devant votre premier orignal, un déclic se fait. Il ne vous quittera plus jamais grâce à ce contact avec l’animal. Il y a quelque chose de plus grand que nature. »